Portrait de Dorothé Espaze, une femme de coeur!

Dorothé est arrivée en 1946 dans un panier à linge à Beauvais dans l’Oise !

Son père, prisonnier en Allemagne pendant la guerre y avait rencontré sa mère dans l’usine de liège où ils travaillaient tous deux. Il ramena sa femme et sa fille en France où il ne fût pas toujours simple pour cette jeune allemande de s’intégrer juste après la guerre. A son père facteur on disait « tu sais, y en a un qui a ramené une allemande » « Ben oui, répondait-il, je le sais, c’est moi ! »

La maman de Dorothé apprit calmement le français, la famille s’agrandît. Dorothé est l’ainée de quatre filles qui furent élevées dans la religion protestante. L’engagement de sa maman dans l’église l’aida à s’intégrer.

« La base de tous mes engagements s’est construite sur mon éducation protestante » nous dit Dorothé. Et engagée, elle le fût très tôt et continue à l’être. Elle milita d’abord à Amnesty international, pour l’objection de conscience et depuis 1982, à l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture.) tout en œuvrant à l’Eglise réformée de Beauvais.

Dorothé était « déléguée à la tutelle aux prestations sociales » jusqu’en 1984 à Beauvais. A la suite d’un rapport social, le juge des enfants prenait la décision d’une ordonnance de mise sous tutelle. Pendant un temps donné, les prestations familiales de la famille étaient versées à un organisme dont dépendait le service des délégués. Le travail se faisait en lien avec l’équipe sociale du terrain et en collaboration avec la famille. Les situations étaient souvent très dégradées. L’approche se faisait à pas de velours pour instaurer un climat de confiance.

 L’objectif de Dorothé, toujours d’actualité dans sa pratique, était que les gens s’assument, se redressent. « Il fallait jongler avec l’argent, payer une dette pour boucher un trou. » La demi-heure d’entretien prévue se mutait quelquefois en 1h30, les imprévus étaient nombreux.

Dorothé a toujours en tête ces familles, que sont-elles devenues ? Des années plus tard une jeune femme connue enfant, lui disait sa reconnaissance d’avoir amélioré ses conditions de vie et son destin !

Travailler ne l’a jamais empêchée de militer, et tous la pensaient vouée au célibat…jusqu’au jour où à 37 ans, elle rencontre Jean Espaze qui deviendra son mari et le père de ses trois enfants. Jean était instituteur en région parisienne. Il est né à Paris mais ses parents sont revenus « au pays », à St Bonnet de Salindrenque alors qu’il avait 6 mois. Ceux-ci étaient tous deux natifs de St Bonnet, chacun à une heure d’intervalle ! Ensemble à l’école ils se sont ensuite mariés !

Jean est resté instituteur pendant 20 ans en région parisienne. Ce n’est qu’en 1991 qu’il obtint enfin un poste à Soudorgues. Il enseigna ensuite à St Jean du Gard puis termina sa carrière à St Hippolyte du Fort. Dorothé était venue, jeune fille, en vacances dans le coin, attirée par cette région protestante sans s’imaginer qu’elle s’y installerait un jour ! « Peut-être que nos chemins étaient faits pour se rencontrer, 37 ans, célibataires, protestants tous les deux… »

Habitant Villepinte (93), les vacances étaient chez les parents de Jean. Puis en 1986, construction de leur propre maison dans l’idée d’y vivre à temps plein.

Installée à St Bonnet, Dorothé avait cessé de travailler pour s’occuper des enfants, ne retrouvant pas de poste équivalent dans le Gard, mais sans abandonner sa vie de fervente militante active. « Jean n’a jamais été engagé mais il m’a soutenue dans mes démarches. Je lui laissais souvent les enfants pour aller aux réunions »

 

Les enfants fréquentant l’école de Lasalle, elle intègre l’association des parents d’élèves et s’investit dans la paroisse protestante qui devient rapidement une deuxième famille. Elle est élue au conseil presbytéral, s’occupe de l’école biblique et prend d’autres responsabilités au sein de l’association (Déléguée au niveau régional et national pendant quelques années).

Propos recueillis par Michelle Moens et Guillemette Chevallier.

la suite dans le Grillon papier de janvier / février 2022...

 

Portrait de Raymond Pantel  

Raymond Pantel fait partie de ces « vieux Lasallois » très attachés à leur pays et qui, après avoir passé ailleurs l’essentiel de leur vie professionnelle, n’ont qu’une idée en tête, celle d’y revenir. Né aux Vignolles, mas cévenol situé dans la vallée du ruisseau des Bouzons qui abrite plusieurs « écarts » (la Poujade, Girbes, Bouzanquet, Bonal, Le Prémiget, ..), Raymond est « fier d’être à la fois fils de paysans, cévenol et protestant. Mes parents parlaient l’occitan, le patois, ils n’étaient pas riches mais humains, ingénieux, travailleurs, comme tous les cévenols, pardi » ! Petit dernier d’une fratrie de 5 enfants, il se souvient de son père, descendant faire les courses à Lasalle avec sa charrette à roues ferrées, tirée par son mulet « Bijou » ! Après avoir effectué tout son primaire à l’école de Girbes, qui comptait encore dans les années 40 une trentaine d’élèves mais beaucoup moins à son époque (l’école a fermé en 1961), Raymond s’apprêtait à rentrer en 6e au lycée du Vigan (qui faisait alors collège et lycée) à l’âge de 9 ans. Mais il tombe alors gravement malade, touché par une maladie rare qui lui fait perdre plusieurs années avec finalement une entrée en 6e à 12 ans.

 

Écoutons le parler de ses études : « En 5e j’ai reçu le prix d’honneur, 2e de la classe, des mains d’André Chamson, un livre sur la mythologie grecque que plus tard j’ai fait dédicacer par Frédérique Hébrard, sa fille. Ensuite j’ai rejoint le lycée Joffre à Montpellier et, sur une grosse déception amoureuse, j’ai résilié mon sursis et suis parti faire mes 18 mois d’armée d’abord à Nantes puis à Marseille. Finalement j’ai passé mon bac en candidat libre et suis retourné à Nantes où j’ai débuté ma vie professionnelle comme instituteur ». Là, très vite, il intègre en tant que PEGC Français-Arts plastiques (professeur d’enseignement général des collèges) le collège du Sillon de Bretagne, nommé ainsi car à proximité de l’immense immeuble du même nom, à l’histoire particulière : ce bâtiment de 30 étages et 800m de long à loyers modérés abritait 3500 personnes. Projet autogestionnaire bâti par une société coopérative, intégrant de nombreux services, notamment un centre médico-social et un centre socio culturel indépendant attirant tous les spectacles de Nantes, cet ensemble regroupait tous les militants et engagés sociaux de la région. « Une belle école de formation ! 21 nationalités et des problèmes de partout ! ». C’est là que Raymond se crée un réseau de relations particulièrement fécond, rencontrant notamment des personnes aussi diverses que Jean-Marc Ayrault, futur premier ministre ou Jean-Louis Jossic du groupe musical Tri Yann. 

La suite dans le Grillon papier de novembre / décembre 2021...

F.B.

 

 

Portrait d' Anaïs et Philippe Farget,

nouveaux venus atypiques à Lasalle, ayant décidé de quitter Marseille fin 2019. Atypiques car ni retraités, ni marginaux, ils arrivent avec leur travail, leurs enfants et une volonté profonde d’intégration dans notre village.

 Heu-reux !

A l’instar des animaux qui se mettent à l’abri avant un séisme, ils ont suivi leur instinct. Intuition qui a ainsi conduit cette avocate et cet enseignant dans les Cévennes, où ils ont décidé de s’installer peu avant que n’éclate la pandémie. « Nous ne connaissions que très peu les Cévennes. C’est le génie du lieu qui nous a attirés, une terre de refuge et de résistance, une nature splendide encore préservée des outrages de la modernité  ». Intuition aussi lorsque, découvrant la vallée de la Salendrinque, Philippe, émerveillé et les yeux embués, dit à Anaïs et aux enfants : « C’est là ! »

Et depuis, ce couple et leurs enfants (Jeanne et Lucien, inscrits à l’école du Colombier, la grande, Justine, poursuit ses études à Marseille) ne cessent de dire à quel point ils sont ravis de leur choix.  Philippe est maintenant professeur de lettres dans le secteur. Guitariste de jazz, il a trouvé facilement des partenaires : « j’ai croisé plus de musiciens en une année ici qu’en dix ans à Marseille ! ».  En effet, le nombre d’artistes à Lasalle leur paraît extraordinaire, d’autant plus qu’il coexiste avec une ruralité plus ancrée et traditionnelle. « C’est un équilibre précieux. Rares sont les endroits qui gardent une tradition bien vivante, un lien à la terre, tout en étant ouverts sur le monde, par la culture en particulier ». Philippe se souvient du premier jour où il est allé « faire un bœuf » avec les jazzmen du cru. Le matin même, un chasseur était venu lui offrir un cuissot de sanglier : « ‘’Bœuf’’ et sanglier dans la même journée, c’est ça la richesse de Lasalle ! »

Un moment, tentée par la magistrature qu’elle était en passe d’intégrer une fois son cabinet marseillais vendu, Anaïs a fait machine arrière au dernier moment : « au pied du mur, je me suis rendue compte que j’étais faite pour défendre les gens, non pour les juger ». Elle est alors repartie de zéro en devenant collaboratrice dans un cabinet à Alès,  et en ouvrant une consultation hebdomadaire gratuite le mardi à Lasalle, qui lui a permis de rencontrer les gens d’ici et d’appréhender leurs difficultés concrètes. « Les campagnes sont parfois des déserts médicaux, mais toujours des déserts juridiques. Je voulais offrir ce service en témoignage de gratitude pour ce village qui nous accueillait ». Ils sont d’ailleurs intarissables sur l’accueil bienveillant qu’ils ont toujours reçu, de leurs voisins en particulier.

D’origine modeste, nos néo-Lasallois se reconnaissent dans les valeurs cévenoles de travail, d’honnêteté, mais aussi de résistance. C’est qu’ils sont venus avec l’envie de trouver un enracinement et du commun. « Nous avons ‘’fui l’histoire dans la géographie’’ comme dit S. Tesson. Sans se comparer aux camisards ou aux résistants et à leur combat héroïque, il y a quelque chose de la  ‘’prise de maquis’’ dans ce choix de venir dans les Cévennes. Le désir de se dégager de l’emprise des forces qui désaffilient l’être humain de la nature comme de la culture aujourd’hui, en le réduisant à un consommateur égoïste et paranoïaque qui vit replié sur sa tribu et dans le monde parallèle des écrans ».

La suite dans le Grillon papier de septembre /octobre 2021...

C.L.

 

Portrait de Josiane Fritz-Pantel  

« De la ligne bleue des Vosges à la beauté sauvage de la cévenne »

 La famille de Josiane du côté de sa mère Hélène Hébrard est originaire de Soudorgues et Lasalle.

Après la guerre la fratrie (ils sont six) s’installe à Aix où une fois veuve, la maman Emma Amélie Pantel rejoint ses enfants.

Hélène quant à elle se retrouve à ...Strasbourg.

Une visite  éclair à une amie alsacienne, collègue de  travail  résident à Montpellier suite à l’évacuation de  Strasbourg : un balcon, un baiser fougueux et c’en est fait, c’est à Strasbourg  qu’Hélène se marie et que Josiane va venir au monde...

outes les occasions sont bonnes pourtant pour rejoindre la lumière  du Sud et la joyeuse convivialité d’une grande famille qui fait  tout de suite la conquête du papa.

A Lasalle on vient voir  en particulier celui qu’on appelle «l’oncle Sarrazin» aimé de tous pour son esprit vif et malicieux, son humanisme et …ses talents culinaires (il a officié autrefois à l’hôtel du Parc)

C’est un ami de la famille, ancien amoureux d’Emma Amélie au temps de leur jeunesse et qui va après tout ce temps lui envoyer une lettre pour demander très officiellement sa main ce qui fait qu’elle finira ses jours au pays.

A Strasbourg Josiane pratique très vite danse et théâtre.  Même si son papa (juge de son métier) la verrait bien juge pour enfants, maman l’encourage, ensemble elles lisent, écoutent les dramatiques radio. Plus tard son papa, comprenant mieux la nature du travail théâtral, lui confiera : « finalement tu as une vie plus intéressante que la mienne ! »

L’après mai 68 se révèle une période très prolifique pour la recherche de formes théâtrales innovantes. Elle fait alors une rencontre qui va changer sa vie ainsi que celle d’un petit groupe de jeunes gens, celle d’un auteur : Bernard-Marie Koltès

 Malgré leur peu d’expérience ils n’ont aucun mal à reconnaître  aussitôt une langue, un souffle, la puissance de l’écriture de ce jeune homme de leur âge.

Bernard propose d’emblée à Josiane de jouer la mère dans une adaptation de Gorki.

La suite dans le Grillon papier de novembre/décembre 2020...

 

Portrait de Kaïto Marcos : "un rassembleur bienveillant" 

 Fils de réfugiés politiques, Kaîto Marcos a baigné dans la culture espagnole de ses parents à travers la langue qu’ils pratiquaient à la maison, mais également à travers la musique ou  la cuisine, contrairement à sa femme Pascale dont la famille, émigrés économiques, a désiré « gommer » toute  culture espagnole.

Emigré en février 1939, son père, architecte espagnol, a dû commencer sa vie en France par un séjour en camps « de concentration », nom donné aux camps dans lesquels on « parquait » les réfugiés politiques. Il a ensuite travaillé au fond de la mine avant de s’occuper des bâtiments miniers dans l’Aveyron et à Carmaux où il a eu un statut semblable à celui d’ingénieur.

Né dans un pays de mines, Kaîto a évolué dans un milieu multiculturel, où  espagnols, italiens, polonais, français se côtoyaient.

Au lycée à Rodez, les enfants du bassin houiller étaient «  à part », la culture communiste qui les unissait tranchait avec la culture paysanne un peu à droite des autres enfants. Cependant, pendant les grèves les paysans étaient solidaires.  « Les mines sont des endroits forts qui marquent. »

 En 68, Kaîto a épousé la révolution avec tous ses aléas, dont quelques petits problèmes de justice pour avoir publié des tracts et soutenu des anarchistes espagnols. « Ce n’était pas toujours très malin ce qu’on faisait, mais pas très méchants. Certains copains sont partis rejoindre les brigades rouges en Italie. Je n’ai pas eu envie de ça. »

Ses parents qui voyageaient beaucoup en caravane avec leurs cinq enfants lui ont donné le goût du voyage.

Il est allé en Irak chez les Kurdes, en Syrie, en Afghanistan, il partait seul pour se balader, rencontrer des gens. En Amérique latine aussi, au Mexique, puis en Afrique où la juge d’application des peines, suite en 73 à des ennuis judiciaires de révolutionnaire, (diffusion de tracts soutenant la liberté sexuelle), l’a autorisé à partir en tant que professeur avec un contrat local. Il avait fait, poussé par son père des études d’économie.

Un an après, rentré d’Afrique, il eut envie de travailler la terre et est devenu jardinier… à Paris  pour rejoindre son amoureuse et ses amis situationnistes.

Il y est resté deux ans et a passé le concours pour être professeur. Deux ans pour apprendre la pédagogie qui le passionnait tout en étant payé ! Kaïto est devenu professeur d’économie dans les lycées agricoles. D’abord en Haute Savoie où sont nés ses enfants. Il y faisait également des formations à l’installation pour jeunes adultes. Les connaissances des ruraux bénéficiaient aux néoruraux reconvertis qui de leur côté étaient mieux armés en responsabilité et ce partage profitait à tous.

 

Restant dans l’agriculture, Kaïto a dérivé sur la coopération internationale. Il a été chargé de mission au Burkina Fasso. Toujours professeur, cette fois à Montpellier, il a emmené vingt-trois fois ses élèves au Burkina Fasso ou en Espagne. Il aimait voyager et former ces jeunes sur le terrain. Les lycéens faisaient leur stage de fin d’étude là-bas, guidés par un maître de stage Burkinabé leur enseignant sa science maraichère pendant quatre semaines. « Ils ne venaient pas là « pour aider » mais bien pour apprendre ! ».

la suite dans le Grillon papier de mars / avril 2020...

propos recueillis par Michèle Moens et Guillemette Chevallier

 

 Portrait de Christian Flaissier

 

Voilà bien un homme multiple, impliqué dans la vie de la commune que ce soit comme médecin, président du tennis club ou élu local. Affectueusement surnommé par sa famille « bulldozer », plutôt pitre que bon élève à l’école, Christian heureusement soutenu par sa mère, se réveille avant l’obstacle : le bac, obtenu sur le fil (à l’oral et dernier …). Ayant toujours voulu être médecin il s’inscrit à la faculté et obtient tous ses examens grâce à une puissance de travail insoupçonnée ; « pour réussir médecine il faut bosser, bosser, sans jamais perdre pied ! ». Il intègre alors le service de réanimation médicale où il reste trois ans, le quittant à regret pour accomplir son temps militaire en Martinique comme médecin scolaire (ce qui lui permet de découvrir la plongée sous-marine et la planche à voile : « je connais mieux la Martinique sous l’eau que sur l’eau …»). Ayant rencontré la belle Angelika (qui deviendra son épouse) avant son départ, dès son retour il enfourche sa moto sous la pluie pour aller la retrouver à Kiel, 1600 kms d’une traite, et redescendre avec elle sur Nîmes, toujours sous la pluie … Cherchant à s’installer comme médecin généraliste (les places étaient chères à l’époque), Christian rencontre Violette Brunet qui lui propose d’abord un remplacement puis une association-succession, Violette pouvant ainsi conjuguer en douceur fin de carrière et mandat de maire. « Violette m’a accueilli, nourri, logé, éduqué pendant 3 ans avec ma « copine » et mon chien. Pour moi elle reste une personne exceptionnelle, au dévouement sans bornes, un exemple qui me guide toujours. Nous nous sommes mariés chez elle, consacrant ainsi notre affection mutuelle. 1984 : me voilà seul au cabinet, prenant très vite la mesure de la richesse et de la complexité de l’exercice en milieu rural. » Engagé syndical au sein de MG France, et malgré une activité professionnelle chargée, le docteur Flaissier élabore en partenariat avec le conseil municipal un dossier pour la réalisation d’une maison de retraite. Elu maire en 1989 à la suite de Georges Couderc, et bien secondé par le docteur Irène Lafont appelé à la rescousse, il n’aura de cesse d’obtenir la construction de cet établissement qui sera inauguré en 1992. Bien d’autres réalisations auront lieu sous le mandat du « bulldozer », comme le relais de télévision, la gendarmerie, la station d’épuration, l’extension du foyer culturel ou le théâtre de verdure. Christian se rappelle cette petite remarque adressée par une personne fort digne lors de son élection de maire : « Monsieur le maire vous n’avez pas de cravate… ». Mais aussi ce moment fort où, devant intervenir lors de la cérémonie des Justes au temple de Lasalle, l’émotion trop intense qui le saisit rendit son discours bien difficile. Puis, le décès soudain du Conseiller général Jean Gazaix en 1997 provoqua une élection cantonale partielle où Christian Flaissier est élu à la faveur d’une triangulaire. Réélu en 2001 il siège dans la majorité de gauche où il assume diverses responsabilités dans les affaires sociales, la téléphonie mobile ou encore à la présidence du service départemental d’incendie et de secours où il s’efforce d’obtenir la réalisation d’une plateforme unique d’appel 15-18-112. N’ayant pas été réélu en 2008, Christian se consacre pleinement à sa profession et ses activités syndicales ce qui lui vaut d’effectuer deux mandats à l’union régionale des professionnels de santé. Maître de stage pendant 15 ans, Christian comprends les aspirations de la jeune génération à vouloir préserver leur vie personnelle ; pour autant il ne regrette rien tant l’exercice pratiqué était prenant : « au début je faisais des accouchements parfois inopinés au cabinet, comme ce bébé arrivé trop vite et déposé dans le couffin du chien de Violette ; ou cette maman prévue pur accoucher d’un seul bébé qui se retrouve avec des jumeaux inattendus. Mais quelle joie de donner la vie ! ». Autre souvenir, au cours d’une réunion en mairie pour débattre avec l’agence régionale de santé (ars) de la question des urgences, un touriste s’écroule sous la fenêtre, victime d’un choc suite à une piqûre d’abeille !Grâce à l’intervention conjointe de Christian et Irène, le patient est « ressuscité ». Du coup, le représentant de l’ars comprend mieux l’importance d’une formation aux urgences pour les professionnels de santé, surtout en milieu rural ! Mais les temps changent et l’exercice médical devient de plus en plus encadré par des recommandations issues des progrès incessants de la médecine ; « quand je pense que j’ai appris les balbutiements de l’échographie et qu‘aujourd’hui on réalise des IRM en 3D, qu’on opère « comme au cinéma … !... ». Les jeunes internes accueillis revendiquent d’exercer conformément aux recommandations, notamment pour se préserver de la judiciarisation croissante de la profession. Christian s’est posé beaucoup moins de questions au cours de sa carrière, prenant en charge toutes sortes de situations car « on n’avait pas le choix, à tout instant il fallait être prêt et disponible. Grâce et avec tous les professionnels de santé du secteur cela était possible, et il y a toujours eu une grande solidarité entre nous, dimanches et jours fériés compris ! Aujourd’hui l’arrivée du 15 et l’arrêt de la garde obligatoire a bien changé la donne. » Conscient de ce tournant majeur, le souhait de Christian est que chaque acteur soit reconnu à sa vraie place malgré toute cette technologie et ces contraintes administratives : « quel que soit l’aboutissement des réformes à venir, l’humain doit rester la priorité ».

Maintenant retraité, tout en gardant un poste à mi-temps dans une maison de retraite voisine, Christian peut se consacrer davantage à sa vie familiale, l’arrivée de son petit-fils surnommé « le bolide » (ça ne s’invente pas !!) le mobilisant amplement. Il a aussi son brevet de pilote d’hélicoptère, ce qui lui rappelle qu’il avait organisé une manifestation peu banale en 1989 à l’occasion du bicentenaire de la révolution française : le saut en parachute sur le stade de 2 légionnaires habillés en révolutionnaires ! Et des baptêmes d’hélico qui se sont multipliés depuis. Epicurien convaincu, ne dédaignant pas lever le coude avec ses amis, toujours motard (« sauf les jours de pluie…»), passionné de musique, de théâtre (il joue en amateur), il s’est engagé à l’hôpital de la faune sauvage pour la défense et la sauvegarde des oiseaux. Sans oublier les ruches installées dans le potager, cadeau de ses patients pour sa retraite. Un bulldozer on vous dit !!!

 

Propos recueillis par Michèle Moens et Frédéric Bourguet

 

Portrait de David Steinfeld et Nathalie Massot, un couple créatif à Monoblet !

 

Dragons, pieuvres et orques ou salamandres mais aussi mouflons, renards et sangliers, ou guitares et trompettes sans oublier les abeilles et les fleurs …ni les cabanes et les bancs !

« Nous sommes les seuls à faire cela ! »

  Nous avons rencontré, dans un coin reculé de Monoblet, David Steinfeld et Nathalie Massot, créateurs et constructeurs d’aires de jeux originales en bois massif.

 

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Comment en êtes-vous venus à installer cet atelier ?

David Steinfeld, parisien ayant une formation d’ébéniste et de sculpteur sur bois, faite dans les Vosges, arrive dans un premier temps à Ganges en 1977, avant de s’installer sur ce terrain proche de Monoblet en 2000. Il y démarre son atelier.

Dès 1985 il a une première commande pour une aire de jeux qui finalement ira à La Paillade à Montpellier, puis une seconde qui restera vingt ans sur l’Esplanade de Montpellier.

Ensuite les commandes s’enchaînent et s’accélèrent même, après la fabrication d’une baleine géante pour la ville de Nice. Une baleine dans laquelle les enfants entrent,  grimpent et jouent. Une innovation. C'est tout à la fois une sculpture, une charpente en bois, une coque de bateau renversée et un squelette marin. Un mélange de talents étonnant ...

 

Nathalie Massot, originaire de Perpignan, intègre l’atelier il y a 12 ans.

Intervenante en musique dans les écoles où elle faisait des spectacles pour les enfants, elle a apporté le côté pédagogique dans le travail.

C’est dans l’atelier qu’elle a découvert et s’est spécialisée dans la sculpture sur bois.

 

« La partie pédagogique et ludique est pour nous tout aussi importante que la partie esthétique. Il ne s’agit pas uniquement d’œuvres d’art, bien que cela en soit. »

 David et Nathalie mettent toute leur imagination dans la conception de  l'œuvre, puis c’est David qui continue en élaborant  une maquette (de préférence aux dessins en 3D sur ordinateur) et quelques plans et tracés. Le projet accepté, c’est lui qui fabrique la structure en bois avec les compagnons de l'atelier.

 

La phase finale consiste à équiper l'œuvre de filets, barres et prises diverses qu'utiliseront les enfants.

Nathalie, elle, préfère se consacrer à la sculpture et à la gravure.

Elle rencontre également mairies et écoles pour travailler sur le projet. « Il y a toujours une histoire dans une aire de jeux. Nous essayons donc de la faire écrire ou raconter par les écoles ou habitants du quartier concerné. »  Nathalie donne des pistes si nécessaire puis grave l’histoire ou les poèmes sur les structures.

 Ils ne travaillent que sur commande, principalement de municipalités et dans plusieurs régions de France :

 

Puteaux a demandé des instruments de musique

Nice a préféré des animaux marins,

Cagnes-sur-mer a installé une pieuvre et un orque,

Une crèche nîmoise a choisi une poule, une souris et un chat

Pessac, près de Bordeaux a un magnifique triton tout récent

Quant à Guillestre c’est une marmotte et un chamois qui y ont fait leur apparition

 

Chaque objet pouvant avoir une hauteur de un mètre ou atteindre plusieurs mètres de haut mais toujours adapté à l’âge des enfants.

la suite dans le Grillon papier de novembre/décembre 2018...

 

 propos recueillis par Guillemette Chevallier et Philippe Marteau

 

 

Portrait de Vincent Belloc, artiste en ferronnerie, mosaïque et vitrail.

Dans son catalogue sur Internet,Vincent Belloc baptise chacune de ses productions : table basse " Chien fou ", fontaine " La Mama ", fauteuil " King ", suspension " Chagall ", candélabre " Arcane 17 – Les étoiles ", grand lit " Notabilis ", fauteuil tournant " Avocado ",  table-console " Kat " , luminaire " Racines du ciel ", table à " Gaspard " : les dénominations des objets, comme les titres d'une composition musicale, signalent une direction pour regarder, un filtre dont on se saisit ou pas.Lampe " Cul de fillette " par exemple fait référence aux grandes marées de Bretagne quand Vincent Belloc, plusieurs années de suite, est allé ramasser sur la plage du point du jour des milliers et des milliers de tesselles de faïence, céramique et verre , roulées par les marées, et notamment le fond de ces petites bouteilles qu'on appelle " fillettes " (37.5 cl) soufflées manuellement avec lesquelles il faisait des lampes et autres objets.

 

Prolifique, inventif, énergique ! Allusif, ébouriffé, enthousiaste ! Mais aussi harmonique, solide, durable, réfléchi, uni, concentré...  Qualifier le style de ce créateur peut difficilement atteindre le niveau de la générosité qu'il manifeste par une multiplicité et une diversité étonnantes. Mais ce style est facilement identifiable : " c'est du Vincent Belloc ". Comme une signature qui prendrait des formes diverses tout en conservant le noyau essentiel d'énergie, l'esprit de légèreté et de poésie.

Arrivé dans la région en septembre 2002, il a découvert les Cévennes en suivant des amis qui se sont installés à Colognac : il y est venu finir la préparation d'un chantier, il a apprécié le côté vivant du village, le café, la boulangerie (à l'époque), la pétanque et il y est revenu plusieurs fois, toujours avec autant de plaisir.  " J'ai cherché à Colognac un atelier et une maison et j'ai envoyé une sorte de lettre de motivation au propriétaire que j'avais repéré : j'ai reçu un message sur mon répondeur, avec un bel accent du Midi ; il acceptait de me louer la maison. Et je me suis installé le soir du 8 au 9 septembre, nuit de l'épisode cévenol. Je voyais tout avec les yeux de l'amour même la pluie qui tombait à flot ! J'y ai vécu neuf ans. Puis je suis allé à Lasalle, où j'ai occupé un atelier à l'Hôtel des Camisards, puis dans l'ancien garage Metge, puis dans une petite cabane que j'avais construite sur un terrain gracieusement prêté par une amie à Ste Croix de Caderle. J'habite maintenant un " mazet " route de Salindres à Soudorgues et mon atelier se trouve, avec celui d'autres artisans, au croisement de Soudorgues et du col du Mercou. "

la suite dans le Grillon papier de septembre/octobre 2018...

M.Sabatier

 

 

Portrait de Michèle Métail, une lasalloise très chinoise

 

Michèle nous reçoit dans sa maison typiquement lasalloise avec un grand jardin. Franchie la porte d’entrée on se croirait en Chine !

Le Grillon : Comment es-tu arrivée à Lasalle ?

Un été, invitée par une amie de son lycée parisien, Michèle débarque en train à St Jean du Gard puis arrive à Lasalle. Séjour très marquant. Elle y découvre un climat particulier et « des fruits que je ne connaissais pas : cueillir une figue fraiche sur l’arbre et la manger a été une découverte extraordinaire. J’avais 13 ans. J’ai découvert  le gouffre Mourier, la bambouseraie. J’ai perdu un livre sur le porte bagage de mon vélo, livre prémonitoire à Lasalle, « L’étranger » d’Albert Camus. »

Michèle, après avoir fait des études d’électro acoustique, enseigne 15 ans dans une école de musique. Des études d’allemand, et la voilà écrivaine et traductrice. En 1972 elle part pour Vienne. A son retour en 1973 elle s’installe avec Louis, trompettiste, auteur compositeur dont elle partage toujours la vie. En 1983 ils commencent à apprendre le chinois. Puis toujours ensemble, en 1996, ils font un livre de 15 mètres de long à l’occasion de leur centenaire (46 et 54 ans). Il est exposé dans une galerie parisienne puis publié en 1998 par un couple d’éditeurs qui deviennent leurs amis et les invitent à Monoblet. Michèle se remémore son adolescence et se souvient subitement du nom de Lasalle.

La région leur plait, et en 2002 ils décident de quitter le Berry où leur propriété est trop petite : coup de foudre instantané pour leur maison à Lasalle. Etre à Lasalle pourrait être un hasard, mais Michèle croit aux connexions que l’on peut retrouver entre deux endroits : elle a passé ses 17 premières années rue Galvani à Paris puis à Berlin où elle fait un travail sur une rue, la Galvani Strasse, créant une sorte de « jumelage » entre les deux villes.

 

Le Grillon : Pourquoi la Chine ?

« Une exposition à Paris en 1961 sur l’artisanat chinois. C’est le premier choc culturel qui me  marque.

« Musique, calligraphie, tout a nourri mon imaginaire : sur un abricot séché posé sur une clayette, un morceau de paille était resté collé. Il fallait absolument que je le garde. »

« Ma mère m’a acheté des livres sur la Chine et notamment « La terre chinoise » de Pearl Buck qui m’a fascinée, entre la paille et les paysans. En grandissant j’ai lu des livres de plus en plus sérieux, la philosophie chinoise puis la poésie chinoise quand j’ai vraiment commencé à me lancer dans la littérature. »

« Il y a eu un curieux déclic : J’étais amie avec Georges Perec. Quand il est mort en 1982 et après son incinération, je n’arrivais pas à me concentrer, je tournais en rond et avais des idées sombres. En allant dans ma bibliothèque j’ai pris un livre « L’écriture poétique chinoise » de François Cheng que j’ai ouvert au hasard. Je suis tombée sur une phrase qui dit qu’en chinois, à cause de la structure de la langue, on peut écrire des poèmes qui ont de multiples sens de lecture (de gauche à droite, de bas en haut). En français c’est un palindrome (ex : kayak que l’on peut lire dans les deux sens). Or il se trouve que Georges Perec avait écrit le plus long palindrome de la langue française, de deux pages et demi ! Ce livre sur l’écriture de la poésie chinoise m’a instantanément donné l’envie d’apprendre la langue, j’y voyais comme un signe de la part de Georges.

Je me suis inscrite à l’Institut des langues orientales. La 1ère année j’ai fait des cours par correspondance tout en étant professeur à l’école de musique. Je suis allée jusqu’à la licence en préparant les cours toute seule. J’avais la méthode, j’avais la passion et je ne souhaitais pas côtoyer des jeunes qui apprenaient le chinois pour faire de l’import-export.

Pour mon mémoire de maitrise j’avais besoin d’un directeur de thèse. Je suis allée voir François Cheng qui m’avait servi de « déclencheur » mais qui ne m’avait jamais vue dans un cours. Il était très réticent au départ pour valider mon sujet sur la poésie ! Au final j’ai fait 11 années d’études jusqu’à ma thèse de doctorat. Je suis la première en langue occidentale à avoir consacré un livre à ces textes particuliers. J’en suis devenue un peu la spécialiste.»

 

Premier voyage en Chine en 1985. En sortant de la Cité interdite Michèle et Louis se promènent dans les Hutong (les vieilles ruelles) et s’arrêtent pour acheter une limonade à une très vieille dame. Quand celle-ci découvre qu’ils sont français, elle les invite chez elle car un ami de sa fille doit partir en France. Le jeune homme, étudiant aux Beaux-arts avait obtenu une bourse pour étudier à Paris. Il demande à Michèle de lui traduire en chinois la lettre reçue de France, qu’il ne comprend pas. C’est un de leurs amis de l’université St Charles qui avait envoyé cette lettre à ce jeune homme… ! 

 

propos recueillis par Christiane Lafont et Guillemette Chevallier

la suite dans le Grillon papier de juillet/août 2018...

 

 

PORTRAIT DE NICOLE DAUMET

 une Soudorguaise aux multiples casquettes

 

Les grands-parents maternels de Nicole, Adrien et Jeanne Aigoin, étaient de Colognac. Ils sont venus s’installer à Soudorgues après leur mariage. Ses grands-parents paternels, Paul et Albertine Lauriol, étaient eux de Soudorgues, mais de l’autre côté du Mercou : Le Bedos.  Nicole est née à Soudorgues, au domicile de ses parents, à la Viale. Elle est allée à l’école communale de Soudorgues puis au collège à Saint Jean du Gard, pensionnaire chez une tante à l’Estréchure, avant la création de l’internat. Désirant être assistante sociale, elle refait une 3e spéciale pour avoir les 17 ans requis par le concours. Mais … « Très jeune, me voilà presque maman !  Et fini l’école et les études ! Jacky travaillait chez Maillol comme ouvrier et s’est installé comme artisan en 72. »  Nicole Lauriol et Jacky Daumet se marient en 1968. Karine est née en 1969 puis Valérie en 1973 et pendant quelques années, Nicole garde ses filles et son neveu.

Magasin Utile

En 1984, quand Valérie entre en 6e, Nicole démarre sa carrière chez Colette Pantel. Elle y découvre le commerce et en apprécie beaucoup le côté relationnel. Colette Pantel arrêtant son commerce pour raison de santé, Nicole lui rachète le magasin et se lance. C’est avec Karine, son BTS comptabilité en poche, et aidée de Jeannette Yvanez que l’entreprise Daumet prend son envol en 1989. Valérie rejoint le groupe en 1998 après avoir été manipulatrice radio à Ganges. En 1989, il y avait encore deux autres magasins d’alimentation à Lasalle : Mesdames Victor et Arnault. Lors du départ en retraite de celles-ci, des « gens de la ville » les ont repris mais sans bien s’adapter au village. « C’est le commerçant qui doit s’adapter à la clientèle même encore aujourd’hui ! » « Michel Méjean, le maire, nous avait proposé un terrain à l’entrée de Lasalle, mais nous avons préféré rester au centre du village et avons choisi l’emplacement d’une maison pour construire un magasin de 450 m2 stock et chambre froide comprise » : C’est le magasin actuel ouvert en 2011.

-Producteurs locaux :

Le désir de Nicole a toujours été de conserver un esprit de commerce de proximité, de ne pas faire concurrence aux boulangers et boucher, et de travailler autant que possible avec des producteurs locaux en direct, légumes ou produits transformés. Le magasin achète la production des maraichers locaux déclarés, pour des soucis de traçabilité. De même les produits transformés doivent l’être dans des ateliers agréés. Pour les petits producteurs, les problèmes administratifs, de détails ainsi que d’approvisionnement sont plus difficiles à gérer. Le U lasallois se démarque ainsi des autres U : un peu de « circuit-court » et une structure de magasin originale. Pas de musique dans le magasin bien que réglant, comme les autres U, la SACEM.

Neuf salariés et trois supplémentaires l’été travaillent au magasin. La politique de la maison est d’essayer que chacun trouve sa place et apprécie son travail.  « Tous les matins la pause-café permet à chacun de dire ce qui ne va pas ou ce qui va !» Nicole aimerait que la partie bio soit développée et le magasin modernisé.

Mairie de Soudorgues

 

Nicole s’est beaucoup investie lors des trois mandats qu’elle a faits à la mairie de Soudorgues. Un dans l’opposition et deux avec Christian Pibarot, comme adjointe. Elle est toujours vigilante sur les actions sociales et associatives possibles : école, Terre de Mauripe, fête votive …

...la suite dans le Grillon papier de mai/juin 2018

propos recueillis par Guillemette Chevallier et Christian Laffont

 

 

PORTRAIT DE BERNARD LE NEN

« Comment je suis devenu artiste ? Je ne sais même pas ! On doit avoir ça au fond de soi...Moi j'ai toujours dessiné. Artiste par contre c'était quelque chose d'un petit peu hors d'atteinte, un peu bizarre... C'était pas dans ma culture familiale. Quelqu'un qui gagne pas sa vie... D'ailleurs c'est la vérité ! Ils avaient raison ! Et puis c'est en dessinant, des gens qui me disent : « tu devrais exposer c'est pas mal ». Le regard des autres t'amène ailleurs. C'est les rencontres, c'est la vie. Après c'est moi qui me suis intéressé à aller voir des choses. Tu regardes les livres, les images, tu te construis tout seul. L'école aussi m'a fait découvrir pas mal de choses. Mine de rien. On dit : «l'école, l'école.. ». Dans les livres d'histoire je regardais les peintures...Ça me fascinait. Ça m'ouvrait l'œil et le regard.

Mes cahiers de devoirs sont pleins de dessins. Mais je croyais qu'il fallait apprendre à dessiner. Et puis non, décidément, j'ai fait les choses comme ça, je suis autodidacte. Je n'ai pas pris de cours de dessin ».

 

 C'est la main qui fait

 

 

 « Là j'ai attaqué un peu le fond en mettant plus de rouge brique et j'essaie d'organiser tout ça : que le fond vibre un peu, qu'il ne soit pas un aplat bête. Ça commence toujours par un fond foncé : il faut qu'il apparaisse. Tu vois c'est cette couleur-là puis après je procède par couches en allant vers la lumière mais en faisant toujours en sorte que le fond reste un peu visible. Des dessins j'en fais beaucoup sur des petits bouts de papier. J'ai pas d'idée quand je fais des dessins...Ça part tout seul : je prends mon pinceau, j'y vais directement. En général ça part toujours d'une tête, d'un visage, le dessin s'élabore entre conscient et inconscient. Je me débrouille pour faire une petite composition, quelque chose d'intéressant, que je trouve chouette. Je tourne autour d'un ou deux personnages. Il va m'apparaître une image que je vais élaborer au fur et à mesure. Je laisse ma main faire.Pendant quelques mois j'ai fait des trucs comme ça : des textes que j'ai inventés au fur et à mesure, en même temps que les dessins. Bon j'étais un peu en colère, j'avais plein de choses à dire. J'écoutais la radio, les nouvelles, le côté sordide de l'humanité quoi ! Des réfugiés qui se noyaient par milliers, la guerre en Syrie, et donc je me suis mis à écrire et à dessiner. Comme ça, de façon très spontanée. Et tant que j'avais des choses qui sortaient je les faisais. Tu vois ça a duré sur quelques pages. J'en faisais un peu tous les jours.

 

 

Du dessin à la toile

 

 

Il y a pas mal de dessins qui apparaissent et puis j'en prends un qui m'intéresse et je me dis : je vais en faire une toile. Je reproduis plus ou moins mon dessin sur la toile, à la craie, ça me permet de retoucher. Puis je le reproduis au pinceau puis je continue de façon un peu plus posée, sur des panneaux... Et puis je colorie. Même si c'est un peu plus élaboré que le coloriage. Tout en gardant le fond qui apparaît. Et je rajoute de la lumière, au fur et à mesure. Je mets très peu de peinture. Donc après je pose une couleur : là j'ai commencé par la tête, et j'imagine une deuxième couleur, qui va fonctionner avec la première. Entre les lumières et les ombres, une couleur en amène une autre. Le dessin montre des personnages qui se regardent sans se regarder, du coin de l'œil. Quand il y a plusieurs personnages il y a toujours des jeux de regards comme ça. Celui-là il regarde ce je ne sais quoi qui sort de l'autre individu, et lui il regarde dans le coin. J'appelle ça des « humeurs », c’est peut-être de la fumée, de l'haleine, des pensées qui se matérialisent. Des humeurs comme au Moyen-Age : des choses qui sortent de soi. C'est le côté graphique, rigolo, étrange.

 

 

texte recueilli par Michelle Sabatier

La suite dans le Grillon papier de mars/avril 2018...

 

 

PORTRAIT D' UN AMERICAIN PASSIONNE, Lawrence Caperton

 Nous sommes accueillies devant la propriété de Lacan par Marie-Dominique et Lawrence Caperton. Lawrence nous emmène faire le tour de ses brebis et de ses bergeries en nous expliquant le fonctionnement de son exploitation avec passion.

 

 Pourquoi avoir choisi d’habiter ici ?

 

- Un peu au hasard mais les Cévennes m’attiraient beaucoup car je suis descendant par plusieurs branches de ma famille de huguenots partis de France vers l’Angleterre au XVI et XVIIe siècle. Puis une génération après aux USA.

J’ai fait des études d’histoire. L’histoire m’intéresse beaucoup ainsi que la généalogie. Nous sommes issus de la grande famille d’Aubigné du côté de ma mère mais je n’ai pas encore retracé l’origine exacte. Ils étaient déjà en Angleterre à la fin du XVIe siècle et leur nom s’est anglicisé en Dawbney, Daubiny et Dabney. Je vais prendre le temps de faire des recherches dès que je le pourrai.

 Je suis né sur une ferme dans le Kentucky. Mon père avait une grande propriété. J’en suis parti à cinq ans mais j’aimais y retourner, cependant après deux ou trois ans la propriété a été subdivisée en plusieurs lots et des maisons se sont construites, donc l’attrait n’était plus le même. J’ai été très marqué par cette expérience avec la ferme et ai toujours rêvé de remonter une telle propriété.

 

 Quand j’ai fini mes études je ne savais pas trop ce que je voulais faire. J’ai fait une formation payée par le gouvernement américain dans l’agronomie, la science des sols, de la culture etc. Puis je suis parti en coopération en Afrique avec le « Peace Corps » au début des années 80. J’étais au bord du fleuve Sénégal, côté Mauritanie, lors d’une époque de grande sécheresse. Nous étions là pour introduire une agriculture plus intensive basée sur l’irrigation afin d’avoir des rendements plus importants. Nous avons comme cela introduit la culture du riz dans ce pays qui n’en avait pas la tradition. Séjour formateur. J’y suis resté deux ans et demi, c’est là que j’ai découvert le système transhumant pour les chèvres et les moutons pratiqué par les nomades Peuls. Cette expérience a renforcé mon rêve….

 

  Entre l’Afrique et Lacan, qu’avez-vous fait ?

 

- J’ai travaillé pour une grande entreprise française familiale et mondiale dans le négoce, dans les secteurs des céréales, élevage et pétrole, aux Etats-Unis, Asie et Angleterre. Je continue à travailler avec cette entreprise mais suis de plus en plus à Lacan.

 Et le Mas de Lacan ?

  ...la suite dans le Grillon papier de janvier/février 2018 

Propos recueillis par Christiane Lafont et Guillemette Chevallier

 

 

Portrait : Maurice-Elie SARTHOU, « peintre du soleil »

Maurice-Elie Sarthou (1911-1999) est un peintre, membre de la « Nouvelle Ecole de Paris », à la charnière de la figuration et de l’abstraction ; il a exposé dans de nombreux pays, été maintes fois distingué et plusieurs musées, en France mais également à l’étranger, ont acquis des œuvres de cet exceptionnel observateur des couleurs du Sud…, de la Méditerranée….  Même s’il partageait surtout son temps entre son atelier parisien et sa villa du Mont Saint Clair à Sète, Maurice Sarthou est, durant toute sa vie, resté fidèle à Lasalle. Sa fille, Francine Sutton, a bien voulu répondre aux questions du Grillon, afin de nous aider à mieux faire connaître l’artiste et son œuvre.

Le Grillon : 

Francine, tout d’abord, quels sont les liens de Maurice Sarthou avec notre village ?

Francine Sutton :

Mon père est né à Bayonne, d’où était originaire sa famille paternelle. Mais son propre père ayant été tué au début de la guerre de 14, sa mère est revenue vivre auprès des siens à Montpellier avec ses trois enfants en bas âge. Chaque été, la mère de mon père louait une maison à Lasalle, au Cap de Ville, où le jeune Maurice passait ainsi toutes ses vacances. C’est d’ailleurs au gouffre, où il venait régulièrement se baigner avec sa bande de copains, qu’il a rencontré Dora, sa future épouse – ma mère. C’est encore à Lasalle, dans la maison que sa sœur avait acquise au Cap de Ville après la guerre, qu’il a peint une série de toiles « les fenêtres » ; enfin, pas un été, par la suite, sans qu’il ne vienne depuis Sète, son nouveau port d’attache, passer au moins quelques jours dans cette autre maison qu’il avait lui-même fini par acquérir, toujours au Cap de Ville, et que nous occupons aujourd’hui .

Le Grillon :

Peux-tu nous retracer brièvement les principales étapes de sa carrière ?

Francine Sutton :

Après ses études aux Beaux-Arts de Montpellier, puis de Paris, mon père, déjà marié et père de famille, a dû rapidement gagner sa vie : il a donc entamé une carrière de professeur de dessin d’abord à Bastia, puis à Bordeaux et enfin à Paris, au lycée Henri IV, tout en se livrant parallèlement à sa véritable vocation, la peinture. A Bordeaux, il fait partie de la Société des Artistes Indépendants Bordelais qui organise régulièrement des expositions d’artistes parisiens (Bissière, Lhote, ...) ; il obtient déjà une certaine reconnaissance (prix Drouant en 1949 notamment) et se fait remarquer par Jacques Lassaigne et, plus tard, par Gaston Diehl, fondateur du « Salon de Mai » auquel il l’invite et où Sarthou expose pour la première fois en 1949. Mais c’est surtout à Paris, où il s’installe en 1950, que sa notoriété va croître ; il lui devient alors assez vite de plus en plus difficile de mener de front son activité artistique et le professorat de dessin, qu’il abandonne en 1958. Dès 1955, il reçoit le prestigieux « Prix de la Critique », suivi, au fil des ans, de nombreuses autres distinctions ; il expose dans des galeries françaises et étrangères, participe à de nombreux salons (salon de mai, salon d’automne…) et manifestations aux quatre coins du monde. Outre les catalogues de ses expositions, de nombreux ouvrages et articles lui ont été consacrés.

Le Grillon :

 Qu’est-ce qui caractérise le mieux le style et l’œuvre de Maurice Sarthou ? Ses thèmes de prédilection ?

La suite dans le Grillon papier de novembre/décembre 2017...

Propos recueillis par Sophie Thomas-Roubine

Portrait Josée Granier : une lasalloise d’adoption

 Josée Granier est l’épouse du graveur Jean-Marie Granier, bien connu à Lasalle et dont le Grillon a fait le portrait peu après son décès.

 

Josée Granier est née en 1929 à Paris d’un père méridional et d’une mère mi bretonne mi normande… mais son grand-père avait été pharmacien à Ganges avant la guerre ! Elevée à Annecy elle passe son certificat d’études puis part pour l’Ecole d’Art à Vizille : Ecole nationale professionnelle, section industrielle. Une crise d’appendicite l’oblige à rentrer chez ses parents sans passer son CAP, mais douée en peinture elle présente le concours des Beaux-Arts et part pour Paris à 17 ans. Elle y apprend le dessin puis participe à un atelier de peinture. Dans le même temps la jeune fille apprend l’histoire du costume et des dessins de tissus à l’école Duperré, école supérieure des arts appliqués dépendant des « Arts Déco ». Elle suit également des cours de poterie et de céramique.

« Je n’y suis pas restée longtemps car Jean-Marie y venait aussi avec deux copains. C’était le plus gai et le plus intelligent…nous nous sommes mariés au bout de deux ans, en 1949. » « C’est ainsi que j’ai connu Lasalle où nous venions souvent. Mes beaux-parents étaient adorables. Une famille d’artisans qui ont été charmants avec moi. J’étais un peu rebelle mais j’ai été bien accueillie. Je faisais ce qu’il fallait pour ça et aidais ma belle-mère. J’en garde un très bon souvenir, bien que nous ne voyions pas grand monde.» « Es-tu protestante ou catholique ? » a été la première question de ma belle-famille. Ça tombait bien j’étais catholique comme eux. Je savais même pas qu’il existait des protestants ! J’allais à la messe le dimanche et ma belle-mère me faisait un chapeau neuf tous les ans, je devais les porter… bien que ne les appréciant guère. Il fallait tenir son rang par rapport aux protestants plus nombreux ! »

Après son mariage, le jeune couple s’installe à Sartrouville où ils font des illustrations de livres et magasines pour enfants. Jean Marie Granier ayant été admis à « la Casa de Velazquez » résidence d’artistes à Madrid, ils s’y installent pour 2 ans. « On a débuté sans argent mais il est arrivé plein de bonnes choses ! »

 

Retour à Sartrouville où Josée se tourne vers la poterie, ne se trouvant « pas assez intellectuelle pour la peinture. »

...la suite dans le Grillon papier de septembre/octobre 2017

propos recueillis par Guillemette Chevallier et Frédéric Bourguet

 

Portrait : L' ARSOIE, UNE ENTREPRISE CÉVENOLE (bas et vêtements de soie) 

 

Qui se souvient que la petite ville de Sumène, à côté de Ganges, comptait dans les années 1970 près de 700 emplois dont 600 relevaient de l’industrie textile … il existe encore une entreprise familiale,L' Arsoie, spécialisée dans la production de bas et de collants haut de gamme, avec plus de 25 salariés et un chiffre d’affaire de l’ordre d’1,5M d’euros fin 2016. Nous sommes allés à la rencontre de Serge Massal, descendant des créateurs de l’entreprise et patron de l’affaire dont le début de l'activité se situe dans les années 1919/1920. A l'origine la  Société des Cartonnages Germain Massal produisait  des emballages pour  les bas de soie des Cévennes, qui étaient exportés entre autres pour les cours royales et impériales d'Europe. Peu de temps après, Germain MASSAL ajoute une corde à son arc en se lançant dans la fabrication des authentiques bas couture avec la création de L'Arsoie. Après la 2° guerre mondiale, des métiers rectilignes modernes de grande production de 18m de long et d un poids de 20 tonnes sont achetés afin de livrer les milliers de magasins de bonneterie qui fleurissent dans les villages français. A partir des années 1950, une nouvelle concurrence se fait jour avec l'apparition des « machinettes » dites métiers sans couture qui vont accélérer la disparition des métiers rectilignes à bas, dit métiers cotton .En effet sur une machinette les bas nylon sans couture sont tricotés en 10 minutes, alors qu'il faut 1h pour les produire sur métier cotton. Dans les années 1965/1970 l'Arsoie effectue une nouvelle diversification en se lançant dans la fabrication de vêtements textiles. C'est l'époque des Beatles, et l'entreprise produit et vends dans de grandes quantités le sous-pull que portait le groupe de rock. André Massal, neveu de Germain, devient Pdg dans les années 1970 et l'Arsoie et sa marque CERVIN sont alors diffusés dans plus de 3000 magasins en France. L'entreprise emploie plus de 50 personnes et ouvre une succursale à GIGNAC employant une dizaine de personnes.

...la suite dans le Grillon papier de juillet/août 2017

Frédéric Bourguet

 

Portrait: Eliette Tardres-Lacassin, une lasalloise passionnée, peintre avant tout

 

Eliette Tardres, fille unique, est « un pur produit de la vallée de la Salindrenque ». Elle est née à Lasalle mais ses grands-parents paternels étaient des paysans artisans de Raïne.

De retour de la guerre, en 1916, son père amputé des deux jambes, épouse Eva Pantel du Grand Viala et le couple s’installe à Lasalle en ouvrant un magasin de chaussures en 1932.

« Le frère de mon père exploitait cette magnifique propriété des Glycines qui était mon Paradis dans mon enfance. »

Avec la sœur ainée de son père, ses parents ont occupé la maison Pagès, première maison de la rue Basse à La Croix.

« C’était comme au Moyen-âge, une maison à l’ancienne : le magasin de chaussures sur la rue et dans la suite, l’atelier de mon père. Derrière une fenêtre était installée ma tante, à sa machine à coudre. Elle était couturière.  Il y avait une vraie vie de village à l’époque et peu de voitures. Beaucoup de commerces à La Croix. »

Eliette fréquente l’école communale de Lasalle avec Mme Gaillard puis Melle Lafont.

Après un essai manqué de 6e à Nîmes, elle intègre directement la 5e à St Hippolyte. Prenant le car Atger, elle retrouve, au col du Rédarès, tous les matins, ses amis Maurice et Hélène Pougnet, les enfants du directeur des Amariniers.

 Pierre Monteil et Raymond Chassouan faisaient faire du théâtre aux jeunes de 14, 15 ans : Eliette, Alain Robert et les autres.

 Ensuite l’Ecole Normale de Nîmes. Son professeur de dessin et peinture la présente, l’année du Bac, au Concours Général. Eliette Tardres obtient le premier prix pour un portrait de jeune garçon

« C’était quelque chose à l’époque : réception à la Sorbonne, où je suis entrée reçue par la Garde Républicaine, prix remis par le président Coty…La gloire de Lasalle ! »

  La jeune fille prépare ensuite, au lycée Claude Bernard à Paris,  le diplôme de dessin et arts plastiques pour le professorat. Elle a beaucoup apprécié la vie parisienne, mais sa rencontre avec André Lacassin, instituteur dans le Gard et féru de peinture va changer ses projets ! Elle redescend dans le sud et poursuit ses certificats par correspondance tout en faisant des croquis aux Beaux-Arts de Nîmes avec entre autres, J.Marie Granier comme professeur.

Après son mariage avec André Lacassin, puis avoir donné naissance à son fils, elle renonce à présenter le CAPES et devient institutrice à Gagnières où les époux Lacassin ont eu un poste double….tout en continuant à peindre !

Puis la famille s’installe à Alès, chacun ayant une classe à Cendras, école grandissante grâce aux mines.

André Lacassin, muté à Alès et désirant se consacrer à la peinture, travaille à mi-temps puis s’arrête. Quant à Eliette, restée 17 ans à Cendras, elle demande rapidement un mi-temps… pour la peinture.

  ...la suite dans le Grillon papier de mai/juin 2017

Alain et Guillemette Chevallier

Entretien avec Jean-Claude Wollès :

 

˝Je suis né sous une bonne étoile˝

 

 

Le Grillon : - Vous n'êtes pas un ˝vieil˝ habitant du Val de Salindrenque mais vous participez activement à la vie associative locale.

 

Jean-Claude Wollès : - C'est vrai, j'habite Saint-Bonnet-de-Salendrinque depuis seulement 7 ans. Mais toute ma vie j'ai participé à des clubs ou à des associations.

 

Le Grillon :- Comment êtes-vous arrivé dans les Cévennes ?

 

J.-C. W. : - Avec ma femme, Micheline, nous sommes venus quand nous étions à la retraite. Nous voulions nous rapprocher de nos enfants et de nos petits-enfants. Notre fille Cécile, est d'abord venue à Montpellier pour ses études. Puis elle a rencontré son mari et ils se sont installés à Lasalle avec leurs deux enfants. Elle y a continué son métier de santonnière. Son frère est venu la voir. Il était photographe-repéreur. Ce travail consiste à trouver des lieux et des décors pour un film, après avoir lu le scénario et discuté avec le réalisateur. Il avait du travail mais iI est tombé amoureux des Cévennes ainsi que sa femme. Il a changé de vie et s'est installé à Saint-André-de-Valborgne.

 

Le Grillon :- Où viviez-vous avant de venir ici ?

 

J.-C. W. : - Assez loin d'ici. Nous vivions dans le Pays de Gex, au pied du Jura, près de Genève. J'ai travaillé au CERN (Centre Européen de Recherche Nucléaire) situé à la frontière franco-suisse. Ce centre n'a rien à voir avec la production d'énergie nucléaire qu'elle soit civile ou militaire. Son seul objet consiste à faire de la recherche pure sur les lois régissant la matière.

Un exemple : les expériences menées par le CERN ont permis de valider la théorie du boson mise au point par le physicien Higgs il y a 40 ans. Le boson permet d'expliquer pourquoi les particules qui constituent l'univers se sont agrégées pour donner naissance à des étoiles et à des planètes, il y a 13,7 milliards d'années. Sans cette particule infiniment petite, rien de solide n'aurait pu se constituer et personne ne serait là pour en parler. Maintenant, on comprend mieux ce qui s'est passé juste après le Big Bang. Le CERN a pu valider cette théorie en l'expérimentant grâce au Large Hadron Collider (LHC) ou accélérateur de particules. Il fait un peu moins de 27 kms de périmètre. Avec les outils de plus en plus puissants, tels que le super microscope géant, on découvre toujours de nouvelles choses. C'est tout à fait passionnant. Le CERN a de gros moyens parce qu'il rassemble de très nombreux pays à l'échelle mondiale. Tous les continents participent, même si les Etats membres sont européens. Il y a plusieurs centaines de physiciens et plusieurs milliers de personnes de toutes nationalités qui y travaillent.

 

Le Grillon :- Quel était votre travail dans ce sanctuaire de la science ?

 

J.-C. W. : - J'étais ingénieur électronicien. Mon but était de préparer des outils pour les physiciens. Pour mon premier projet, j'ai travaillé sur une machine qui analyse les traces de particules qui circulent dans une chambre à bulles. Elle reconstitue leur parcours. Mon dernier projet, concernait le LHC dont je viens de parler. Avant ma retraite, j'ai travaillé au contrôle de la cryogénie, autrement dit, du froid. Le CERN est la plus grande usine de froid du monde. Les températures très basses sont indispensables pour obtenir l'effet supra-conducteur des aimants qui canalisent les particules. La température obtenue doit être plus basse que celle de l'espace intersidéral. Je suis resté 37 ans au CERN et je peux dire qu'avec ce métier, j'ai réalisé mon rêve d'adolescence. J'ai toujours adoré la technologie et les sciences. Alors je voulais soit m'investir dans le monde scientifique, dans le monde spatial, ou dans le monde sous-marin (avec le commandant Cousteau !).

 

Le Grillon :- Vous avez toujours suivi cette voie ?

 

J.-C. W. : - Oui, mais ça n'a pas toujours été très facile. Je suis né à Cannes. Je suis l’aîné de 5 enfants. J'ai eu des difficultés à l'école primaire. Je ne m'y sentais pas à l'aise. J'ai eu un retard de croissance et cela n'a pas favorisé mon intégration. Un conseiller d'orientation m'a même proposé de devenir aide-géomètre. Ce n'était pas très valorisant : l'aide géomètre, c'est celui qui porte les piquets ! J'ai essayé de transformer cette faiblesse en force. J'ai comblé mon retard. Finalement, je me suis orienté vers l'électricité. J'ai passé un examen pour obtenir un brevet, mais je n'ai pas été reçu. Alors je me suis dit que j'allais travailler avec mes parents qui étaient commerçants joailliers à Cannes. Je serais devenu apprenti joaillier. Et puis, surprise, pendant les vacances, je reçois un télégramme m'informant que mon nom avait été oublié sur la liste des reçus ! J'étais donc accepté à l'école que je visais. Après j'ai suivi la filière BTS électronique à Reims et j'ai été tout d'abord embauché au Centre de Recherche de Saclay (Centre d''Etudes Atomiques – CEA) puis  à IBM – Corbeil dans l'Essonne.

 

Le Grillon :- Comment avez-vous pu entrer au CERN ?

 

J.-C. W. : - Grâce à ma femme Micheline. Nous nous sommes mariés en 1969 dans la Région parisienne. Elle a vu une petite annonce du CERN qui recherchait du personnel pour 2 ou 3 postes. J'ai posé ma candidature, je suis passé devant un Comité de sélection et j'ai été pris. Au début, l'installation n'a pas été facile. En 1970, il y avait une grave crise du logement que ce soit à Genève ou à la frontière française. Nous avons même été obligés de camper. Nous avons vécu 6 ans à Nyon, en Suisse, où sont nés nos enfants, Cécile et Olivier, avant de nous installer dans le Pays de Gex.

 

Le Grillon :- Et votre vocation pour le monde sous-marin ? Vous l'avez abandonnée ?

 

J.-C. W. : - Pas tout à fait. Dès mon enfance mes parents avaient un voilier, j’étais aussi scout-marin. Puis lors de mon service militaire le colonel qui dirigeait le 405ème régiment d'artillerie de Hyères, près de Toulon, était passionné par les régates, il m’a demandé de rejoindre son club de voile où je suis devenu moniteur. Durant mon service militaire, à l'époque, il durait 18 mois, j’étais en fait dépanneur-radar. C'était après 1962, la guerre d'Algérie était terminée. Finalement le service militaire ne me fut pas trop dur.

Mais ce n'était qu'un avant-goût, j'étais resté à la surface des eaux. En 2000, j'ai commencé la plongée sous-marine. Au sein du club de plongée du CERN, j’ai fait 3 ans de formation pour devenir plongeur autonome. J'ai suivi des stages de biologie sous-marine au CREPS d’Antibes.

A la suite de cette formation, j’ai créé, avec un ami plongeur, une section de biologie sous-marine au sein du Club. C'est ce qui m'a donné envie de faire de la photo, car c’est un outil idéal pour apprécier et mémoriser ce qu'on a vu sous l'eau. Une fois sur terre, cela permet d'identifier les espèces que nous avons vues en comparant les photos avec des livres spécialisés. Je me suis pris au jeu et j'ai donc mis en place une section vidéo-photo sous-marine pour le club. J'ai donné des cours, organisé des soirées, des conférences, même pour les enfants.

 

Ce sport m'a permis de visiter beaucoup de mers ou lacs dans le monde. Je suis allé en Méditerranée, en Mer Rouge, au Mozambique, dans les îles indonésiennes, aux Galapagos...

 

Le Grillon :- Pour un ancien gamin chétif, vous êtes devenu très sportif ?

 

J.-C. W. : - Cela m'a sans doute aidé pour le devenir. Je ressentais le besoin de surmonter ce handicap. J'ai multiplié les activités sportives. Dès l'âge de 7 ans, je faisais du ski et j'ai passé mon brevet de natation du kilomètre. Cannes c'était pratique, il y avait la mer et la montagne. Et finalement j'ai poursuivi. Au CERN, il y avait un tissu associatif très important. Et j'aimais ça. Je faisais partie du club de gym qui proposait une gym très athlétique, du club de vélo, j’ai participé à des régates de planches à voile, des courses à pied où je faisais le semi-marathon, le ski où je suis devenu moniteur de ski de fond bénévole pendant 25 ans. J'ai fait aussi des courses de VTT sur de longues distances en France.

 

Le Grillon : - Et vous avez aussi voyagé avec le ski et le VTT ?

 

J.-C. W. : - C’est un superbe moyen pour découvrir une région. J'ai fait de magnifiques raids VTT, en France avec Micheline, en Casamance au Sénégal avec un de mes frères, au Maroc la Vallée du Draa avec mon  fils. Le VTT est un moyen de contact extraordinaire avec la population car les gens, là-bas se déplaçaient le plus souvent en vélo. La voiture met une barrière, pas le vélo. Pour la neige, je suis allé en Laponie pour un raid de ski-pulka. Le ski-pulka consiste à tirer un traineau chargé du matériel pour le raid avec des skis de fond. Nous allions de gîte en gîte. Lors d’une nuit à la belle étoile dans la neige par -25°, j’ai eu l’immense joie de contempler une aurore boréale.

 

Le Grillon : - Les Cévennes ont changé votre vie...

 

J.-C. W. : Oui et non.

Oui parce que c'était un nouveau lieu de vie, nous connaissions peu de personnes. Il fallait reconstituer nos relations. Nous avons avant tout cherché à nous intégrer.

Non, parce que ma femme et moi aimons et avons l'expérience de la vie associative. Et nous avons été surpris et très heureux de voir qu'il y en avait beaucoup ici.

Nous avons participé au Club de randonnée de Lasalle. J'en ai profité pour faire des reportages photos qui étaient visibles par tous les randonneurs sur le net. Cela a créé des liens... C'était en 2008.

 

En 2009, j'ai adhéré au Club Cévenol. Je me suis occupé de la communication, des affiches pour annoncer les divers évènements du Club. J'ai aussi présenté des diaporamas. Les Galapagos et notamment celui sur la Namibie où je suis allé récemment. J'ai aussi présenté ce reportage et des photographies à la médiathèque de Lasalle et au ˝Printemps dévoilé.˝ J’ai donné des photos pour le site de la Mairie et celui de l’Office de Tourisme. Pour son calendrier 2015 l'Association l'Escargot doré de Thoiras m'a demandé de lui proposer des photos sur l'eau. En 2014 j’ai pu suivre des bergers afin de faire des photographies sur la transhumance

 

J’ai fait connaissance d’amis photographes à St Hippolyte qui s'intéressaient aux photos ornithologiques. Avec eux, j'ai rejoint l'association ˝Lumières Cévenoles˝ avec laquelle je participe à des expositions.

J'essaie d'aider les associations et de contribuer à l'animation locale en proposant ce que je sais et ce que j'aime faire. Naturellement, je fais aussi des photos pour le Grillon.

 

Bien entendu, tout ça ne m'empêche pas de voyager. J'en ai réellement besoin.

 

Le Grillon :- Vous avez donc réussi votre intégration ?

 

J.-C. W. : - Oui, je le crois.

Je me sens bien ici. Bien sûr, j'ai été parfois étonné par certaines réactions. Je me suis aperçu qu'il existait des clans. Le fait de parler à certaines personnes, peut empêcher de pouvoir parler à d'autres. C'est dommage, mais ça existe un peu partout. Par tempérament, je prends toujours le meilleur chez les gens et je laisse le reste de côté. Les cévenols sont toujours passionnés par leur pays et j'aime les gens passionnés. Et grâce à eux, j'apprends toute la richesse de leur histoire et de leurs vies.

 

Le Grillon : - Finalement vous êtes un homme heureux...

 

J.-C. W. : - Oui. Ma maman, qui à 95 ans, me dit toujours que "je suis né sous une bonne étoile˝. 

Ma curiosité et mon attirance pour la nature m’ont donné le goût de la recherche, du sport et des voyages... Cela forme un tout. Je dois aussi ce bonheur à Micheline, qui m'a beaucoup stimulé dans mes projets qui m'a aidé à m'engager et qui me laisse voyager.

 

Propos recueillis par Gérard Feldman


 

 

 

 

 

Portrait : Joël Treiber

 

 

 

Un nomade sédentaire (ou sédentaire nomade) à Ste Croix

 

Le Grillon : - On nous a dit que vous étiez le plus ancien des néo du Val de Salindrenque. Est-ce vrai ?

 

Joël Treiber : - On ne peut jamais en être certain, mais c'est bien possible. Je suis arrivé à Saint-Jean-du-Gard pour la première fois en été 1959, avec un camp de travail de jeunes parisiens. Nous sommes venus travailler pendant trois semaines pour aider les paysans de la région qui avaient été sinistrés à la suite des inondations de 58. J'ai eu ce contact par l'Eglise protestante de l'Etoile à Paris. Je suis issu d'une famille mixte, catholique et protestante, et nos parents nous ont toujours laissé le choix de notre orientation religieuse, d'autant plus qu'après le décès prématuré de deux de mes sœurs juste avant ma naissance, ma mère avait perdu certaines de ses convictions. Je suis le huitième de leurs 16 enfants.

 

Durant ce premier séjour en Cévennes, j'ai travaillé chez Roger Aubanel, un paysan habitant à la Joncquière, sur la route de Sainte-Croix-de-Caderle. L'année suivante, je suis revenu chez lui, abandonnant mon travail et la vie parisienne, pour l'aider dans ses travaux agricoles, la culture du tabac, la récolte des châtaignes, des pommes, etc. Le couple avait aussi trois vaches et produisait un peu de lait, ce qui permettait de rentrer de l'argent frais. En 1965, j'ai acheté un petit mazet pour 2500F de l'époque, à 600 m du carrefour de la Gare à Sainte-Croix-de-Caderle. Pour moi, cette somme représentait à peu près deux mois de salaire. En 61, on pouvait acheter 2ha de terre avec une source pour 200F. Il arrivait que des propriétaires demandent qu'on enlève les tuiles du toit de leurs maisons perdues dans les bois et inoccupées, pour pouvoir les déclarer en tant que ruines et ne plus payer d'impôts sur le bâti. La désertification des Cévennes avait commencé dès l'époque napoléonienne, avec la conscription qui a drainé les forces vives dans les nombreuses guerres du Premier Empire. Cette désertification s'est poursuivie jusque dans la première moitié du vingtième siècle.

 

Le Grillon : -  Vous vouliez devenir paysan dans les Cévennes ?

 

Joël Treiber : -Cette vie chez Roger Aubanel était un vrai plaisir pour moi. J'avais l'impression d'être vraiment à ma place. J'ai tout de suite su que je voulais vivre dans ce pays. Tout jeune, et bien que je sois né à Paris, j'ai été attiré par l'agriculture. Quand j'avais 14 ans, je travaillais très bien à l'école mais je ne voulais pas poursuivre ma scolarité. Alors mes parents m'ont amené dans un centre d'orientation professionnelle. On m'a fait passer des tests, et on en a déduit que j'avais des dispositions pour le métier de métreur. Mais moi, ça ne m'intéressait pas du tout d'être métreur. Quand j'ai dit que je voulais être paysan, on m'a répondu que ce n'était pas un métier. D'après les examinateurs, j'aurais pu m'orienter à la rigueur vers l'horticulture, mais je voulais être paysan. Comme je voulais absolument travailler pour apporter de l'argent à la maison car nous étions une famille nombreuse, je suis entré dans une entreprise de chauffage central où je suis resté toute une année.

 

Par chance, j'ai rencontré un pasteur, qui m'a proposé une orientation vers l'imprimerie. J'ai fait quatre années d'apprentissage et je suis devenu typographe. C'était un métier reconnu à l'époque, nous étions assimilés cadres. J'ai exercé ce métier pendant une dizaine d'années. A une époque, j'ai travaillé pour l'entreprise Chaix qui éditait les fameux indicateurs des chemins de fer.

 

 

Le Grillon : - Cela ne vous orientait pas vers les Cévennes ? 


Joël Treiber : - Non, et d'autant moins qu'on était encore en pleine "pacification" en Algérie. En juillet 1961, les gendarmes sont venus me chercher chez Roger Aubanel pour me signifier de rejoindre une caserne de Rambouillet, le 501ème régiment de chars de combat de la 2ème DB Leclerc. Le service militaire durait 30 mois à l'époque. Bien à contrecœur j'y suis allé et ai fait 5 mois de service. Après la permission pour Noël 1961, je n'ai pas voulu retourner à la caserne. Je ne voulais pas aller tuer des gens. Je ne peux même pas dire que je ne voulais pas, je ne pouvais pas le faire. J'ai envoyé une lettre au Général de Gaulle, le Président de l'époque, pour le lui dire. J'ai été mis en prison militaire pour désertion. Ce fut une expérience très dure, nous étions dix dans une cellule où il n'y avait que 7 paillasses pour dormir. J'ai pu me faire une idée de ce que pouvaient être les prisons au Moyen-Âge Encore aujourd'hui, je n'aime pas beaucoup en parler. De retour à ma caserne, accompagné par les gendarmes et menotté comme un vulgaire bandit,  j'ai été enfermé de nouveau dans une cellule pendant une vingtaine de jours. Et comme je ne voulais pas continuer de faire mon service militaire, j'ai été envoyé en hôpital psychiatrique. Là, les médecins ont très bien compris ma situation et m'ont réformé à l'été 1962. On peut dire que les réfractaires au service militaire de cette époque ont ouvert la voie à la reconnaissance de l'objection de conscience.

 

Le Grillon : - Comment avez-vous pu redémarrer ?

 

Joël Treiber : -Après ce passage difficile, j'ai eu envie de voyager. J'avais un beau-frère qui travaillait pour la décoration de l'ambassade de Côte d'Ivoire à Jérusalem. Il se sentait un peu seul pour partir là-bas, d'autant plus qu'il ne parlait pas l'anglais, alors que de mon côté, j'avais pris des cours du soir pour apprendre cette langue. J'ai donc passé un mois avec lui à Jérusalem, c'était en juillet 62, il faisait très chaud. De retour en France, une fois réformé définitivement, je n'avais plus qu'une idée, retourner en Israël. J'ai décidé d'y aller à vespa, moyen de locomotion très économique. J'y suis allé tout droit depuis Paris, c'était un peu dur de traverser les Alpes où il faisait très froid, mais je suis passé sans encombre jusqu'en Turquie. Ensuite, il y a eu quelques complications. Je ne pouvais pas passer par la Syrie ou le Liban car c'était dangereux avec mon passeport sur lequel il y avait un visa pour Israël, et je me suis trouvé coincé à Chypre. Finalement, j'ai débarqué à Haïfa fin novembre 62 après trois semaines de voyage et j'ai passé 8 mois et demi en Israël. Ce fut une très belle période. Là-bas, J'ai travaillé pour gagner ma vie. J'ai fait le manœuvre dans le bâtiment à Jérusalem, je dormais dans une auberge de jeunesse pour l'équivalent de 10€ par jour, puis ai travaillé à Barkaï, un kibboutz de juifs américains. C'était la période de plantation des bananiers. Nous en avons planté 6000 et chaque plant pesait entre 20 et 80 kg. J'ai ainsi appris un peu l'hébreu que je ne parle pas couramment mais je peux me débrouiller. Je me suis fait beaucoup d'amis là-bas, et suis retourné une dizaine de fois dans ce pays, la dernière en 2006.

 

J'ai vraiment admiré la vie et le travail dans les kibboutzim et dans les mochavim, les villages communautaires et les villages-coopératives. Ces villages fournissaient 80% de la production agricole et 20% de la production industrielle israélienne alors qu'ils ne représentaient que 7% de la population du pays (environ 250 000 personnes à l'époque). C'était vraiment la manière dont j'avais envie de vivre. Les relations étaient très égalitaires entre toutes les personnes,  hommes et femmes. Dans les mochavim tout le monde devait le même temps de travail à la communauté (8h/jours). Les tâches ménagères étant reconnues et incombant toujours aux femmes, celles-ci travaillaient une heure de moins que les hommes, et encore une heure de moins par enfant à charge, si bien qu'une femme avec 3 enfants devait fournir 4h de travail par jour pour la communauté, tout en recevant le même salaire que son mari.

 

Le Grillon : - Cela vous a donné le goût des voyages ?

 

J.T. : - Oui. En 1964, je suis allé dans un autre pays qui m'a beaucoup attiré : l'Egypte. Au début, je voulais aller en Afrique Noire avec ma Vespa. Mais je n'ai pas pu passer. Les pistes à travers le Sahara n'étaient pas praticables pour mon engin et par ailleurs dangereuses. Je suis donc allé en Algérie où' j'ai travaillé à Oran dans l'imprimerie, mais les relations avec les employés étaient difficiles ; l'un deux ayant bloqué une machine faute d'avoir vérifié les sécurités, j'ai voulu lui montrer comment la sécuriser avant de la démarrer, il m'a répondu sur un ton dédaigneux : ˝On a gagné la guerre contre les français, c'est pas toi qui va m'apprendre comment faire˝. Du coup, j'ai quitté cet emploi et suis reparti pour Jérusalem. Après avoir traversé l'Algérie, la Tunisie, la Libye, je suis arrivé à Alexandrie pour prendre un bateau pour le Liban. Là, en Egypte, j'ai rencontré le directeur de l'agence Fiat. Il m'a accueilli chez lui, dans une superbe maison avec serviteurs et tout le confort. Grâce à son accueil, j'ai eu envie de retourner dans ce pays. Je suis revenu en 66 avec ma compagne de l'époque en 2CV. Nous avons remonté la Vallée du Nil jusqu'au barrage d'Assouan. J'avais une petite caméra 8mm et avais commencé à faire des prises de vue. À Louxor, j'ai rencontré des étudiants en cinéma du Caire. Nous avons alors fait des projets de film. 

 

Quand je suis rentré en France, je suis retourné travailler à l'imprimerie. Avec mes reportages, j'organisais des petites  conférences familiales où je parlais de mes voyages. En 67, après un voyage en bateau Marseille-Tunis, je suis retourné une nouvelle fois en 2CV en Egypte pour une première expédition cinématographique. A la sortie de Tunis, un panneau indique "Le Caire 3065km". J'ai commencé alors un film sur les antiquités égyptiennes, allant à la découverte des temples et des tombeaux plusieurs fois millénaires. En 68, pour une deuxième expédition cinématographique en Egypte, je me suis intéressé à la vie des paysans dans la Vallée du Nil. J'ai réalisé un court métrage sur "l'Egypte des Dieux et des hommes", en m'intéressant plus spécialement aux différentes méthodes utilisées pour l'irrigation : le chadouf ( avec un système de balanciers avec contrepoids auxquels est accroché un seau permettant de remonter une cinquantaine de litres d'eau par minute), la noria (avec un système d'engrenages et une chaîne de pots mus par un animal), le tambour (un appareil cylindrique actionné par une manivelle), aussi, la roue à aube, la sakkia, une roue à aube fonctionnant avec le courant de l'eau (comme la noria que l'on peut voir à Ganges). Je suis retourné encore de nombreuses fois en Egypte (70, 73, 77, 79, 82, 84 dernière expédition cinématographique).

 

J'avais proposé mes films à ˝Connaissance du Monde˝, une association spécialisée dans l'organisation de conférences sur toutes les parties du monde. Tout d'abord, ils ne semblaient pas intéressés, mais le patron étant venu voir une de mes conférences, il m'a proposé des tournées. "Connaissance du Monde" organisait des circuits dans toute la France. Je gagnais bien ma vie. Pour mes expéditions, à partir de de 1977 j'avais un camion HY-Citroën (les camions avec une carrosserie en tôle ondulée qui servaient aussi bien de "camion à frites" que de "panier à salade").

 

Lors d'un voyage en 1977, j'ai fait 23 conférences en Israël avec mon film sur l'Egypte. C'était un signe ! Peu de temps après, avait lieu la rencontre entre le Président israélien Menahem Begin et le Président égyptien Annoua El Sadate, à la suite de laquelle a été signé un traité de paix entre ces deux pays. Plus tard, à cause de ce traité de paix, Anouar El Sadate a été assassiné par les Frères Musulmans. Cette année-là, je suis retourné également en Egypte, mais ne pouvais y emporter tout mon matériel de projection que j'ai  laissé au Consulat de France à Athènes en échange d'une conférence à mon retour d'Egypte. Ce fut un grand succès.

 

Le Grillon : - Et vous avez fait des conférences à Ste-Croix et à Lasalle ?

 

J.T. : - Oui en 75–76. La saison culturelle s'arrêtant au mois de mai et recommençant en septembre, cela me laissait quatre mois pour vivre dans les Cévennes. J'en profitais pour construire ma maison avec l'aide de mon frère Yves et de mes neveux. Je suis passé d'un mazet de 16m2 à une maison de 140 m2. Et puis, à partir de la quarantaine, je commençais à avoir envie de me poser. Je constatais qu'à l'époque les Cévenols vivaient de manière très simple. J'ai installé un évier pour la première fois chez Jeanne Aubanel en 62 et c'était un événement. En 73, j'ai installé le chauffage central chez moi, cela paraissait un luxe réservé aux Parisiens.

 

Lors de mes séjours en Israël, j'avais découvert les systèmes d'irrigation localisée, notamment le goutte-à-goutte. En 79, j'ai rapporté le matériel nécessaire et j'ai fait une première installation dans mon jardin. Ce qui permettait une économie d'eau importante, notamment en contrôlant les arrosages de façon rationnelle. À la fin des années 70, les établissements Kulker, fabricant de tubes polyéthylènes, à Sully sur Loire, se sont lancés dans la fabrication de goutteurs sous brevet israélien. Au début des années 80, la technique d'arrosage au goutte-à-goutte était très peu connue à l'époque et je suis devenu "conseiller technique en irrigation". Les anciens Cévenols n'ont pas tout de suite vu l'intérêt de ces nouvelles techniques d'arrosage, mais les "néo" ont tout de suite été très intéressés. Je prenais 15% de commission sur le matériel que je vendais, leur assurant le conseil technique. Des gens venaient me voir depuis Ste Enimie, Lodève et même Pau. J'ai fait imprimer un fascicule sur le goutte-à-goutte de façon à diffuser cette technique. Je peux dire que j'ai introduit cette technologie dans les Cévennes.

 

Le Grillon : - Le goutte-à-goutte vous a-t-il aussi fait voyager ?

 

J T: - Oui, aussi. J'ai rencontré Michel Brochet, un professeur d'agronomie tropicale de Montpellier qui recevait des étudiants africains et haïtiens, futurs techniciens agricoles ou ingénieurs agronomes. Avec mon épouse, nous les accueillions en stage chez nous afin de les initier à la gestion de l'eau à travers les différentes techniques modernes d'irrigation, le goutte-à-goutte et la micro-aspersion. Nous leur faisions visiter aussi bien des réalisations du temps des anciens Cévenols que des installations modernes comme celle des Abeillères, une communauté de sœurs protestantes chez qui j'avais réalisé une de mes premières installations au milieu des années 80.

 

En 2012, Michel Brochet m'a demandé si je serais disposé à me rendre en Haïti tous frais payés en tant que bénévole afin d'y réaliser quelques installations chez des paysans des montagnes soutenus par l'association SOS-Enfants-Sans-Frontière dont il est le président, j'ai bien sûr accepté avec enthousiasme et me suis rendu sur place en Haïti avec Louise, mon épouse. Passionnée de reportage audiovisuel, Louise en a profité pour réaliser un film d'une cinquantaine de minutes que nous avons offert à l'association SOS-ESF afin qu'elle puisse le diffuser pour son bénéfice auprès de ses adhérents. Nous parrainons aujourd'hui un enfant haïtien, ce qui lui assure une éducation et un repas par jour à l'école durant tout le primaire.

 

Le Grillon : - Et maintenant vous vivez complètement à Ste Croix ?

 

J.T. : - Maintenant, je réalise mon rêve d'enfant. Avec Louise, je suis revenu à l'agriculture. L'ancienne maison ayant été  vendue et j'en ai construit une autre. Nous avons eu deux enfants. Nous cultivons environ 3000 m2 de jardin en maraîchage bio. Nous vendons l'excédent sur les marchés, ainsi que des myrtilles avec lesquelles nous faisons des tartes et des confitures. Nous avons aussi une passion commune, celle des champignons. Nous en avons goûté plus de 260 espèces dont seulement une soixantaine mérite d'être cuisinée. A la fête de la châtaigne de Lasalle, il nous est arrivé de proposer des omelettes aux champignons avec 37 espèces différentes.

 

Le Grillon : - Et maintenant, vous êtes intégré aux Cévennes ?

 

J.T. : - Oui, aujourd'hui, je peux le dire. Mais les débuts ont été difficiles et il m'a quand même fallu 30 ans pour être réellement adopté. On se méfiait de moi. On m'appelait l'Arabe parce que je le parle un peu et qu'il m'arrivait de chanter dans cette langue. Dans les années 70, j'ai été surveillé par les gendarmes car, lorsque je partais en tournée de conférences avec mon fourgon de septembre à mai, je rapportais chez moi toutes sortes de matériel et meubles pour l'aménager ce qui pouvait sembler louche. J'ai eu aussi des accrochages avec les chasseurs qui tiraient trop près de chez moi au point de faire peur à mon fils. Une fois l'accrochage a été plus sérieux, heureusement le garde champêtre a pris parti pour moi. Mais c'était, il y a longtemps. Depuis tout va bien et j'ai de très bonnes relations avec tout le monde.

 

Le Grillon : - Et vous ne voyagez plus du tout ?

 

J.T. : - Oh si ! Avec mon épouse, nous organisons des voyages en Egypte pour des amis, des petits groupes d'une dizaine de personnes. J'adore l'Egypte. C'est ma seconde patrie. Les gens y sont vraiment très ouverts et gentils. Et comme je parle l'arabe, cela facilite beaucoup les contacts. Mais nous y avons vécu des moments parfois agités. En 2009, nous étions au Caire à 150 mètres du lieu d'un attentat. En 2011 nous avons voyagé en Haute Egypte en pleine Révolution Arabe. Lorsque nous avons visité Abou Simbel il y avait 13 touristes en tout et pour tout, notre groupe, au lieu des 2000 habituels ! En 2013, nous n'avions que 3 participants pour partir, cinq autres s'étant désistés au dernier moment à cause des informations catastrophistes dont les grands médias se régalent, alors que sur place règne la bonne humeur, le désir d'aller à la rencontre de l'autre. Je ne peux me passer de ces voyages dans ce pays si attachant.

 

Propos recueillis par Gérard Feldman

 

 

 

 

Roland FALGUEROLLE

 

 

« Remettre en question sa première vision… »

 

 

La famille a accepté une rencontre pour nous parler de Roland, cévenol installé à Paris, disparu à l'âge de 51 ans en octobre 2012. Nous avons écouté les récits de Paule Falguerolle, la maman de Roland ; Rafia Zeghoud, sa compagne ; Maud Terseur, la maman des deux garçons de Roland ; Sylvie Fournier, sa cousine.

 

 

Paule : Roland est né à la maison de santé protestante à Alès, nous vivions alors en Avignon et nous venions à Colognac et Lasalle très souvent, lors des vacances et des week-ends pour retrouver la famille.

 

Quel enfant était Roland ?

 

Paule : Roland était un enfant de la nature, il faisait du vélo avec son frère Thierry et les copains. Il aidait aussi à la construction de la maison de famille à Colognac.

 

Sylvie : Il adorait explorer les abords de la rivière, il était très curieux, il aimait, avec son oncle Maurice Olivier, partager les joies de la pêche et la marche.

 

Quelles études a-t-il suivies ?

 

Paule : Roland a suivi sa scolarité en Avignon puis à 16 ans, il est entré à l'école des métiers d'EDF, à Sainte-Tulle, près de Manosque.

 

Maud : Très vite, il s'est inscrit au club photo de l'école et il a immédiatement aimé cet art.

 

Paule : Son père lui a alors installé un vrai laboratoire photo dans la ferme de « Falguerolles » où nous venions le week-end à Colognac. Il photographiait les grands-parents, il réalisait leurs portraits malgré le fait que ça leur déplaisait.

 

Sylvie : Roland aimait aussi aller à la ferme du petit Bouzon voir sa grand-mère, il était vraiment attaché aux Cévennes.

 






 Entretien avec Daniel Faure (Vabres) –

Photographe et restaurateur de tableau

 

˝J'aime m'immerger dans l'imaginaire d'un monde merveilleux mais à bout de souffle˝

 

Le Grillon : - Vous êtes cévenol ?

 

Daniel Faure : - Je suis né à Alès en 1952 où vivaient mes parents, dans une famille catholique. Le mari d'une sœur de ma mère, Roland Marceron, était sous-directeur de la mine de Saint Félix de Pallières. J'y allais en vacances du temps de l'activité de mon père. J'ai connu Lasalle à partir de 1962. A l'époque, il y avait beaucoup plus de magasins que maintenant. Je me souviens qu'il y avait deux pharmacies. Je venais changer d'air par ici, allais chercher des champignons. Ça changeait de la ville, même si à l'époque la vie à Alès était beaucoup plus agréable qu'aujourd'hui. J'ai eu une scolarité un peu décousue ; Je ne sais pourquoi mais les établissements scolaires fermaient une année après que je m'y étais inscrit. Pourtant je vous assure qu'il n'y avait aucun rapport entre ces fermetures et mon inscription. Je suis ainsi allé près de Sommières en 1964, quand j'ai fait ma communion solennelle et puis à la Grand-Combes, à Langogne, Marvejols. Vers 1967-68, je passais des concours et mon père me conseilla de choisir EDF. Là j'ai eu le droit à une formation d'un an comme monteur électricien à Soisson. Tout au Nord. Malgré cela, je n'en garde pas un mauvais souvenir. Nous avions de bons professeurs et l'ambiance était plutôt libre.

 

J'ai ensuite été affecté aux travaux sur le réseau au centre de Nîmes. En 1970, j'ai fait mon service militaire. Je n'y suis pas allé pour rien car j'y ai pratiqué la photographie. Au retour, je me suis installé à Anduze.

 

Le Grillon : - qu'est-ce qui vous a attiré dans les Cévennes ?

 

D.F. : -A Anduze j'ai découvert la transhumance. J'ai été très sensible à ces immenses troupeaux de 1200 à 2000 têtes qui partaient de la garrigue pour se rendre en hautes Cévennes vers le Mont Lozère ou vers l'Aigoual. Les plus longs parcours pouvaient durer jusqu'à neuf jours de marche. J'aimais le métier de berger. Pour moi c'était des hommes qui étaient libres ; ils pratiquaient le métier qu'ils avaient vraiment choisi. Ils parvenaient à concilier cette liberté avec leur vie de famille. Leurs femmes et leurs enfants les rejoignaient lorsqu'ils étaient arrivés. Je prenais des congés pour les suivre. Il faut dire que je m'ennuyais ferme à EDF.

 

J'ai eu envie de devenir berger, alors je me suis associé avec un copropriétaire. Nous avons élevé 5 brebis à tous les deux. Les brebis entretenaient les bois et les pâtures et mon associé en retirait de petits revenus en vendant la viande pour l'hiver.

 

 Le Grillon : - Vous êtes resté à EDF ?

 

D.F. : - Non. Pendant ce temps, j'avais aussi pris le virus de la photographie. J'accumulais les photos et je constituais des dossiers ; Je suis allé les présenter à des éditeurs. Les Editions du Chêne ont accepté mon travail au bout de 10 jours. Ils ont édité mon premier livre en mai 1981: Serres et Valats des Cévennes qui doit être épuisé aujourd'hui. Cela m'a permis d'être reconnu. J'ai pris alors le risque de démissionner d'EDF et de me lancer dans l'aventure comme photographe professionnel. En novembre 81, je publiais des photos sur les Cévennes dans le magazine ˝Double page˝. Je faisais des tirages noir et blanc, la couleur était trop lourde à gérer. Mes photos se présentaient sous forme de gélatine, c'est-à-dire, des petits cartons diapositives de 36x24 cm. Pour trouver des clients, il fallait avoir des idées de reportage, les faire et les présenter pour intéresser les éventuels acquéreurs.

 

J'ai choisi de faire des photos sur les bords de mer avec lesquelles j'ai réalisé deux ouvrages. J'ai aussi photographié les arbres et les forêts ce qui a fait un sujet pour ˝Double page˝. J'ai eu aussi pas mal de photos reprises sous forme de cartes postales.

 

Dans les années 80 j'ai travaillé avec le Québec. Ensuite, en 1983, j'ai travaillé dans le cadre d'un jumelage entre le Parc des Cévennes et le Parc du Sagueneynet, en 1985, j'ai fait un reportage sur le whisky de l'Ontario, et en 1986 sur les décorations des maisons.

 

Le Grillon : - Vous avez toujours voulu rester vers les Cévennes ?

 

D.F. : - Oui. Grâce à la décentralisation, il était possible de faire de la photo sans aller vivre à Paris. Je me suis toujours refusé à le faire. Je voulais rester dans les Cévennes. J'ai habité près de Mialet dans un hameau qui s'appelle les Aygladines, puis à Cassagnoles vers Lédignan. Mais il fallait quand même que je me rapproche de Montpellier ; Alors j'ai choisi de vivre à St Mathieu de Trévier au nord de Montpellier. A l'époque, à la fin des années 90, il fallait 25 minutes pour aller de là jusqu'à la Place de la Comédie.

 

Pour mes photos j'aimais m'immerger dans l'imaginaire d'un monde merveilleux mais à bout de souffle. C'était le cas des Cévennes, mais je retrouvais aussi cette ambiance dans les Alpes du sud, en Camargue dans le Lubéron, les Corbières, dans le monde des pêcheurs sur le littoral...

 

Le Grillon : - Pour qui avez-vous travaillé ?

 

D.F. : -Je travaillais régulièrement pour le magazine ˝Saveurs, le magazine de l'art de vivre gourmand˝ qui tirait à 85 000 exemplaires. Je photographiais des plats cuisinés. J'ai aussi fait des photos pour ˝Art et décoration˝ qui tirait entre 280 à 500 000 exemplaires. Là, je photographiais des décorations de maisons. Les deux magazines existent toujours, mais ils ont été vendus et leurs rédacteurs en chef sont partis. Et je n'ai pas pu continuer à travailler avec les nouveaux propriétaires.

 

Le Grillon : - Mais aujourd'hui vous n'êtes plus photographe ?

 

D.F. : - J'ai conservé l'intérêt et le goût du métier. Mais il devenait de plus en plus difficile de vivre de la photographie. J'étais payé en deux parties : une partie pour me dédommager de mes frais, et une autre avec les droits d'auteur ; La partie dédommagement s'est réduite à zéro, et la partie droits d'auteur ne couvraient pas les frais. J'ai travaillé comme professionnel jusqu'en 2002. Et puis il y a eu un creux. Le choc des guerres du Golfe, l'arrivée du numérique ont fait baisser les commandes ; je ne pouvais plus en vivre.

 

Avec Michelle, mon épouse, nous avons alors cherché une maison. Nous savions ce que nous voulions, et nous avons mis 15 ans à la trouver. Finalement nous avons aimé cette maison de Vabres où nous vivons. Il y avait aussi un terrain de 3 ha en garrigue. Je l'ai défriché pour me lancer dans la viticulture. Mais la surface était trop petite et les projets d'extension avec deux autres repreneurs n'ont pas fonctionné. J'ai fait ma dernière cuvée en 2009 - 2010 et j'ai vendu le stock. Une œnologue, Emmanuelle Schoch, a été intéressée pour racheter le terrain et elle a trouvé une cave et une maison à la sortie d'Anduze après le supermarché. Son vin s'appelle Mas Seren. Il est difficile de commercialiser le vin des Cévennes car nous sommes loin de tout : loin des grands axes routiers ou du chemin de fer, et loin des grands centres de consommation. Mais, en revanche, une petite altitude donne des vins plus fins et plus équilibrés que dans la plaine.

 

 Le Grillon :- Et après la vigne ?

 

D.F. : - Je reviens à l'image. Je m’intéresse à la restauration de tableaux anciens (17e, 18e 19e siècles). J'ai fait une formation de trois ans à Montpellier que je termine en juin. J'aime restaurer. Ça n'a rien à voir avec la peinture. Je ne pourrai jamais peindre car je n'arrive pas à répondre aux questions essentielles : quoi peindre, comment peindre et pour qui. Mais j'aime cette ambiance des tableaux. Sans doute parce que mon père était peintre.

 

J'ai restauré des tableaux que j'aime trop pour les revendre comme ce grand portrait ou ce petit orientaliste. J'en vends d'autres. La restauration est devenue mon activité principale. J'ai conservé le statut de photographe comme cadre administratif et aussi je suis devenu auto-entrepreneur.

 

En restaurant, un certain nombre de photos me sont revenues en tête. J'ai ressorti 600 photos sur gélatine et j'ai demandé à deux labos de Montpellier d'en tirer en numérique. Ils en ont tiré 120. Pourquoi ne pas les utiliser pour faire des petits catalogues. Et puis je vais faire une exposition avec certaines d'entre elles. Mais cela va rester une activité secondaire par rapport à la restauration.

 

 

Propos recueillis par Gérard Feldman

 

 

 


 

 

 

Entretien avec M. Jean- Claude Rousset : une vie bien remplie

 

Le Grillon : - Vous êtes natif de Lasalle ?

 

J.Cl. Rousset : - Je suis né à Sainte Croix de Caderle. Mon père est de Saint Félix de Pallière. Ma mère est parisienne. Elle venait en résidence à l'hôtel restaurant de mes grands-parents maternels, et puis elle est restée.

 

Le Grillon : - Vous avez donc passé votre enfance ici.

 

J.Cl. Rousset : - Avec mes parents, nous habitions à la Croix, rue Basse. J'ai donc fait ma scolarité à Lasalle jusqu'à l'âge de 12 ans, puis deux années à Sainte Croix. J'ai obtenu mon certificat d'études et j'ai fait l'école agricole tout en travaillant dans une ferme à Monoblet. M. Chabrol était notre professeur enseignant itinérant, chaque jour dans une ville différente. A Lasalle, nous étions une quinzaine d'élèves. Le programme comprenait l'orthographe, le calcul, la grammaire en principal et aussi les autres matières et les travaux pratiques : vigne, maraîchage, arboriculture, conduite de tracteur labour. L'agriculture cévenole en générai était déjà en perte de vitesse : moutons, vaches laitières, vers à soie... A l'époque nous ne parlions pas encore de pleurottes, de mini légumes, de l'oignon doux ou d'élevages de volailles ou de lapins.

 

(La suite dans le Grillon - sur papier - du mois de juin 2014)

Geneviève Lafoux, la créatrice de la ferme équestre " Les poneys d'Emeraude " à la Borie Neuve, est bien connue de tous à Lasalle. Très impliquée dans la vie locale, son goût de la découverte, des rencontres, de la nature, l'a propulsé dans un parcours qu'elle décrit joliment comme une course " de pierre en pierre, comme pour traverser un ruisseau ". En février dernier, le Président de la Chambre d'agriculture du Gard lui remettait le " mérite agricole ", au nom du Ministère de l'agriculture, en assurant qu'elle était bien une " vraie paysane " d'aujourd'hui.

 

LE GRILLON : Vous êtes née à Lasalle ?

Geneviève Lafoux : Je suis née à Montpellier, au 1er étage de la maison que mon grand père maternel Nègre qui était ingénieur des Ponts et Chaussées : il a participé à la construction de la voie du Petit Train à Vapeur d'Anduze à St Jean du Gard et il avait fait construire une maison à Montpellier. Mais nous avions de fortes attaches à Lasalle. Du coté de mon père, la famille Lafoux habite toujours le château de Tourtoulon (en face du bureau de tabac). Mon grand père, Henri Lafoux, était pasteur, comme mes oncles Cabrières et Despras. Notre enfance a été bercée par les souvenirs de ma grand-mère maternelle Rivals, chez l'oncle Emile et la tante Alix, à la Banasterie. Mes souvenirs à moi sont ancrés à la Maillerie que nous partagions avec les cousins Chabrol. J'ai bien connu les Guiraud ; nous allions avec Elie traire les vaches au Maguinet (Mas Guinet). Mon père a fait l'école des Arts et Métiers. Il est entré comme ingénieur à Latécoère puis Sud Aviation àToulouse où j'ai donc passé ma petite enfance.

 

(La suite dans le Grillon du mois d'avril sur papier)

Entretien avec Dominique Cardon -

˝J'ai vu qu'il était possible de lier activité manuelle et recherche théorique˝

 

Les recoins de nos montagnes cévenoles recèlent souvent des trésors. Cette rencontre avec Dominique Cardon en fait partie. Cette spécialiste mondiale de l'histoire des tissus et de la teinture naturelle est aussi une habitante de Colognac, suffisamment proche de son pays d'élection pour y avoir consacré trois mandats de conseillère municipale.

 

Le Grillon : - Depuis quand vivez-vous à Colognac ?

 

Dominique Cardon : - Je suis arrivée à Colognac par mon mari. Quand je l'ai rencontré, je travaillais à l'Université de Dublin. J'étais allée là-bas pour étudier l'archéologie et la philologie celtique. Pour gagner ma vie j'enseignais la littérature française comme maître de conférences. Lui, avait acheté notre maison au Vert en 1969. Je l'ai toujours connu ici et j'y suis venue avec lui.

 

Le Grillon : - Comment avez-vous attrapé le virus des tissus ?

 

D.C. : - Je me suis intéressée au textile en Irlande. J'aime bien travailler de mes mains. J'ai rencontré deux tisserandes anglaises qui faisaient des choses très belles. Elles travaillaient pour Liberty’s, une marque de tissus de luxe. Je leur ai demandé de me donner des cours. Elles avaient aussi une formation universitaire en arts appliqués. Et l'une d'entre elles s’était passionnée pour les textiles précolombiens. J'ai vu grâce à cette rencontre qu'il était possible de lier activité manuelle et recherche théorique.

 

(La suite dans le Grillon de mars 2014)

 

Vous pouvez aussi écouter un entretien avec Dominique Cardon sur France Culture : "La fibre des couleurs" (novembre 2012)

Entretien avec Mme Muriel de Cazenove

˝ C'est bon de transmettre ce que l'on sait ˝

 

Le Grillon : - Quels sont vos liens avec les Cévennes ?

 

Mme Muriel de Cazenove : - Je suis née à Paris mais mon père a des ancêtres filateurs à Anduze. Ma grand-tante habitait au Campet où elle avait une propriété vers le col du Rédarès, cette grosse maison carrée au dessus de la route. J'y suis venue pour la première fois en 1937, par le train. C'était le trajet des 107 tunnels. Nous arrivions couverts de suie. J'avais 7 ans. Ce fut mon premier bain de Cévennes. Un éblouissement.

 

Le Grillon : - Quel rôle les Cévennes ont-elles joué dans votre vie ?

 

Mme M. de C. : - Jusqu'en 39, j'y venais pour les vacances et j'y vivais toujours des moments très forts. Puis ce fut la guerre. J'avais 9 ans. Nous étions venus en vacances comme les autres années, mais mon père inquiet de la situation nous a demandées de rester. Nous y sommes restées 16 mois. Je poursuivais mes études par correspondance et une dame qui habitait près du Pont de Fer m'a donnée des cours de latin. J'allais à l'école du dimanche à pied. Le Campet servait d'asile à de la famille et des amis qui venait du Nord. Il y avait une cuisinière qui me disait toujours : ˝ bonjour mon petit passerounet ˝. Il y avait aussi mon oncle, le pasteur Edmond Billy. Sa fille vient encore régulièrement au Campet. Du coup, j'ai été élevée dans une ambiance très protestante.

 

Le Grillon : - Votre père n'était pas avec vous ?

 

(La suite dans Le Grillon de février 2013)

 

 

Entretien avec Mme Françoise Malaizé, ˝ Ça m’amuse de travailler ˝

 

Le Grillon : - Avez-vous des racines en Cévennes , à Lasalle en particulier ?

 

François Malaizé : - Non pas du tout. Je suis née en Algérie. J'y ai passé mes 15 premières années. Je suis partie d’Alger en 1972 pour entrer au Lycée à Nice.

Mon père est resté là-bas et ma mère est allée à Paris. En Algérie elle travaillait à l’Ecole des Sourds et elle a eu un poste à Paris. Mon père faisait des allers retours.

J’ai passé 10 ans à Nice où j’ai fait des études d’Informatique. Finalement, la famille s'est rassemblée à Nice.

Puis j’ai vécu 13 ans à Paris, j’ai travaillé un peu en entreprise dans l’informatique de gestion, puis j’ai enseigné l’informatique en BTS, puis j’ai travaillé à l'IRCAM (Institut de Recherche et de Coordination Artistique au Centre Pompidou. C'est un Institut fondé par le musicien Pierre Boulez) où j'ai fait de l’informatique musicale.

 

J’ai décidé de quitter Paris car je ne supportais plus l’agitation et je suis allée à Montpellier où j’ai vécu deux ans. Mon passage à l’IRCAM m’a valu d’être embauché au Conservatoire de Musique de Montpellier pour former les compositeurs à l’informatique musicale.

 

(La suite dans le Grillon papier de janvier 2014)

Walter Soulier, de la guerre à la paix

 

Collaborateur épisodique du " Grillon ", Walter Soulier nous a déjà fait profiter d'un précieux témoignage sur le village de Calviac et d'un courrier concernant la Résistance. Aujourd'hui il nous parle, en toute simplicité, de son parcours. Comment une guerre a interrompu la vie ordinaire du jeune homme qu'il était, en même temps que celui de tous les jeunes de sa génération. Un moment de l'Histoire avec un grand " H ". La guerre finie, sa vie au quotidien illustre un autre aspect de l'histoire, avec le départ en ville d'une partie des actifs, obligés de quitter un pays où ils ne peuvent plus vivre, engendrant d'autres transformations, dont les Cévennes d'aujourd'hui portent l'héritage.

 

Je suis né le 25 décembre 1919, mon grand-père paternel était de Calviac, et, du côté de ma mère, du Campel, à Ste Croix de Caderle. Mon père était jardinier au château. Mes parents habitaient la maison du jardinier. Puis ils ont pris un jardin en fermage à Anduze : à cette époque tout le coin autour du magasin Super U d'Anduze était couvert de jardins jusqu'au chemin des plaines. Mon père y cultivait des légumes et des fleurs. J'avais entre 11 et 12 ans quand mon grand-père est décédé et mon père a repris la propriété de Calviac. Là ils faisaient comme tout le monde, un peu de tout et de rien : des pommes de terre, des vers à soie, du vin... Il y avait des propriétaires mais tout le monde vivait chichement.

 

(La suite dans le Grillon sur papier du mois de décembre 2013)

Les années 8O, c'était l'époque de " la Case à tous " avec Hubert Cazalis et Cie

 

Hubert Cazalis, né à Lunel, appartient à la famille Cazalis, connue à Lasalle. Mais il n'a longtemps fréquenté la Salindrenque qu'en vacances puisqu'il venait régulièrement à Rouveyrac et au Campet. Comment a-t-il fini par s'y installer et par prendre la part qu'il a prise dans l'animation locale ?

 

Hubert Cazalis : J'étais encore jeune, en 1989, quand une nouvelle équipe municipale, autour de Christian Flaissier, a eu pour projet de re-dynamiser le Foyer socio-culturel et j'ai été embauché comme animateur sur un contrat aidé. J'avais seulement 23 ans et une simple formation en animation (un " Bafa "). Je me suis retrouvé à gérer une série d'activités (yoga, fanfare etc...), la réservation des salles, la publication du " Grillon ", des projets à lancer... Mais le foyer socio-culturel s'orientait plutôt, à ce moment-là, vers le développement d'activités liées au tourisme estival. J'ai préféré ne pas renouveler mon contrat au bout d'un an : déjà, je m'intéressais davantage aux activités qui durent toute l'année. Je suis allé travailler au " Centre aéré " pour accueillir les enfants le mercredi et pendant les vacances scolaires, d'abord à Lasalle, puis à St Hippolyte du Fort 1

 

Le Grillon : Des emplois à temps plein ?

 

Hubert Cazalis : Non, des temps partiels. C'était un peu les vaches maigres mais en ces temps là on ne s'en souciait pas plus que ça : je circulais à vélo ou avec la 4L familiale.... J'ai travaillé aussi pour deux associations qui voulaient " dynamiser la montagne " : l'Association cévenole avec Philippe Noël (installé à Vabres, il s'intéressait beaucoup à la gestion forestière et au châtaignier) et Jean Quiminal et le Comité d'écononomie montagnarde du Gard avec Jean Martin. Dans l'ensemble il s'agissait de faire de la " recherche-action ", de l'expérimentation, de développer la pluri-activité pour trouver un moyen de vivre dans les Cévennes. Ca m'a surtout permis de connaître beaucoup de monde. Plus tard, dès 1993, j'ai travaillé à Ganges pour un organisme de formation, puis autour des problèmes d'aide à l'installation agricole, notamment avec la Confédération paysanne.

 

Le Grillon : Comment est venu l'idée de la Case à tous ?

 

Hubert Cazalis : Je connaissais depuis longtemps Andréas Johnes, qui avait repéré ma fibre " administrative " ! Il y avait (et il y a toujours) beaucoup d'artistes et de musiciens mais peu de gens qui s'intéressaient à la question des dossiers et de la comptabilité ! Andreas avait pour projet de fédérer ces artistes, de les aider à se rencontrer, pour répéter, monter et présenter des spectacles. C'est comme ça que je me suis trouvé président de l'Art-Scène (qui existe toujours 2) et qu'on a creusé l'idée d'ouvrir un lieu dans la maison familiale au Campet. Mon père y avait ouvert un restaurant, " La Salle à manger ", pendant quelques années avant de retourner à Paris : il restait tout le matériel de cuisine et de salle. Chérif Khentous et Djahida venaient de s'installer comme agriculteurs : Chérif était un ami d'enfance de la banlieue parisienne. Pour payer les musiciens on a convenu qu'on ferait la cuisine et qu'on proposerait des " repas-concert " avec tout le réseau de musiciens qui était réuni autour d'Andréas Johnes et de Christophe Lombard. On a trouvé ce nom - « la Case à Tous » - en réunissant les deux nôtres : Cazalis et Khentous.

 

... La suite dans Le Grillon sur papier du mois de novembre 2013

Entretien avec madame Hélène Vidal

Hélène Vidal
Hélène Vidal

(Extraits)

 

... Le Grillon : C'était donc la période de la guerre.

H.V. : Oui et on avait peur. Mon père était recherché. Il ravitaillait les deux maquis : celui du Serre (FTP) et celui des FFI. Je connaissais bien les Guiraud, mais aussi Jacques Baby le responsable du maquis du Serre. Les plus jeunes d'entre nous, garçons et filles, étaient agents de liaison et on amenait des courriers à Nîmes ou Alès, sans savoir ce que l'on transportait et sans se douter des risques que l'on prenait. Mais en tant que jeunes on n'attirait pas l'attention.

Et puis on avait fait ce fameux défilé (1° février 1944). Tous les jeunes du maquis avaient des fusils. Ils ne fonctionnaient pas mais les Allemands ne le savaient pas et ils ont cru qu'ils étaient beaucoup plus nombreux qu'en réalité. Il y avait eu une Marseillaise que tout le monde avait chanté de tout son cœur. Avec Ginette Lombard, une de mes amies, tout l'après midi on avait fait une Croix de Lorraine en utilisant des branches et des feuilles. Pendant le défilé nous sommes allé l'apporter fièrement sur la Place. Il y avait beaucoup d'émotion ! Cependant une partie de la population n'avait pas approuvé cette manifestation de peur de représailles.

 

... La suite (et le début) dans le Grillon sur papier du mois de septembre 2013

Docteur Louis Malzac

A lire dans Le Grillon du mois d'août 2013
A lire dans Le Grillon du mois d'août 2013

Le Grillon publie un portrait du docteur Malzac (1871-1936). Son action a marqué l'histoire du canton au début du XXème siècle avec celle de deux autres humanistes : l'instituteur François Viala et le pasteur Henri Bost. Avec ce texte nous publions un document d'époque sur les "cercles de tempérence" où, pour combattre d'alcoolisme, et surtout l'absinthe, on consomme du café (beaucoup), du thé (très très peu), des jus de fruit et ... du vin, rouge ou blanc. Probablement fort peu alcoolisé à l'époque, et produit sur place : tout Lasalle était entouré de vignes !

 

Après le portrait du Dr Malzac, complété par le témoignage de sa petite fille, vous pourrez découvrir en "full text" sur Internet son ouvrage "Les cachettes cévenoles aux environs de Lasalle" qui permet de découvrir les cachettes utilisées par les prédicants protestants pendant la période dite "du Désert" (le siècle où le protestantisme était interdit et les prédiquants poursuivis) mais aussi d'approcher ce qu'étaient les mas cévenols du temps du Docteur Malzac grâce à des descriptions parfois évocatrices. Malheureusement le texte en ligne comporte de nombreuses fautes de transcription rendant la lecture des noms propres un peu aléatoire pour les non résidents. Heureusement l'ouvrage a été ré-édité sur papier par les Editions Lacour-Ollé (Nîmes), sommaire ci-dessous :

 

I. Les cachettes huguenotes des Cévennes 9

II. La cachette de Rolland au Mas Soubeyran 31

III. Les cachettes de Soudorgues 

1° Cachettes de la Perjurade 35

2° Cachette du Moina

3° Le temple de Soudorgues 50

4° La maison Henri Viala aux Horts 52

5° Cachette du mas de l'Euzière 57

6° Cachette du mas de Lirou 59

IV. Ste-Croix de Caderles et les pentes du Brion.... 60

1° Cachettes du mas de Capou 63

2° Cachette du mas de St-Genieys 70

3° Cachette des Mouzignels 74

4° Cachette du mas du Mazel 75

5° Cachette et grotte de Pages 82

V. Les environs immédiats de La Salle 87

1° Jean Martin de Rieumal et sa maison.... 88

2° Le mas de Clarou 92

3° Cachettes de la Bouscarasse 95

4° La Clède de la Pâle 103

VI. Les cachettes de la vallée des Arnauds 105

VII Monoblet et ses cachettes 111

1° Mas de Pascalou 112

2° Le mas d'Unas 118

3° Le mas du Bruguier 122

4° La grotte du Serre de la Cazelle 122

5° Cachette de Pailliès 125

6° Au mas de Novis 128

VIII Le plateau de Colognac 131

1° Cachette du mas de Lascamps 133

2° Les galeries de Thérond 136

3° Cachette du mas de la Bastide 139

4° Cachette du mas du Vert à Bouzons 14

IX. Cachettes de la vallée de Cros 147

1° Cachette du mas de Sauvier 149

2° Autres cachettes 150

X. Vallée du Gardon de St-Jean 153

1° Cachette de Saillens 153

2° Cachette de las Parets 155

3° Cachette de Razet 156

4° Cachette du mas de Rouville 157

5° Le mas de la Baume à Peyrolles 158

X. Autres cachettes des Cévennes 161 

http://archive.org/stream/lescachetteshugu00malz/lescachetteshugu00malz_djvu.txt

Jeanine Teissier, ancienne ouvrière d'usine, ancienne agricultrice (Vabres)

L'âge venant, il arrive qu'on se dise : " Il faut que j'y pense, comment vais-je vieillir ? " Et puis on repousse bien vite l'idée. Quand on voit Jeanine Teissier, campée à l'abri de sa véranda, dans sa clairière entourée d'arbres, on se dit qu'elle a trouvé le bon fil ! Même si tout n'est pas rose au quotidien, elle poursuit son bonhomme de chemin, bien entourée de sollicitude et de visites par sa famille et ses amis. A son âge, elle a connu plusieurs " Cévennes " qui ne se ressemblaient pas mais elle n'en cultive pas la nostalgie : chaque période avait son caractère, ses bons et ses mauvais côtés. A travers elle, et les gens de sa génération, c'est un peu d'histoire locale qui se dessine et on comprend mieux en l'écoutant quel était la vie des générations passées, celles qui ont dessiné le paysage qui transparaît encore aujourd'hui, comme un fantôme, derrière un présent radicalement différent. 

 

... la suite dans le Grillon de Juillet 2013

Portrait de Christophe Lombard : ˝ J'ai toujours été attiré par la musique ˝

Christophe en répétition avec la chorale des P'tits matins qui chantent
Christophe en répétition avec la chorale des P'tits matins qui chantent

Le Grillon : - Votre arrivée à Lasalle est-elle le fruit d'un pur hasard ?

 

C.L. : - Au moment où j'ai décidé de venir, oui, on peut le dire. J'habitais Paris où mon père était architecte et je ne savais pas grand chose des Cévennes. Mais finalement, j'ai découvert que ce hasard n'en était pas tout à fait un. Le jour où j'ai annoncé à ma famille que je partais vivre à Saint André de Valborgne, mon grand père le peintre Jean Lombard m'a raconté qu'il y était allé, lui aussi, quand il avait 5 ans. Il devait assister à une fête donnée pour le centenaire d'un grand-oncle, un bourgeois protestant bon teint de St André. Je suis issu d'une famille à la fois protestante et catholique. L’ancêtre Lombard était lui aussi venu des Cévennes pour s'installer dans la soierie à Lyon. Quand j'ai connu la patronne du bistrot de St André qui affirmait avec humour qu'elle "se débrouillait" à Marseille, elle m’a appris que sa grande tante était domestique chez les Lombard, Quai de Serbie à Lyon. Et puis l'histoire de ma famille a été marquée par la guerre des religions qui est au cœur de la culture cévenole. Mon grand-père était protestant, ma grand-mère catholique. Leur mariage en 1925 n'allait pas de soi. D'ailleurs, la famille protestante n'est pas venue au mariage. Mon grand-père en a été évidemment très blessé. Ce n'est que cinquante plus tard, à leurs noces d'or, qu'ils ont pu réunir, un pasteur et un curé et toute la famille des deux côtés. Mieux vaut tard que jamais !

 

Le Grillon : - Donc pas d'enfance cévenole...

 

C.L. : - Hé non ! Issu d'une famille de 6 enfants, dont un frère jumeau, Jean-Baptiste. J'ai grandi dans la banlieue parisienne : à Sèvres et à Meudon. J'ai fait des études au lycée de Sèvres et après au lycée Michelet jusqu’au Bac puis Hyppokhâgne et Khâgne au Lycée La Fontaine à Versailles. J'ai eu une éducation très catholique. J'ai été louveteau, scout, patrouille libre, et dans tous les mouvements de jeunesse catholique. C'était comme dans le film "La vie est un grand fleuve tranquille". J'ai vécu l'époque des réformes du concile de Vatican II dans les années 60, le changement de look et de ton, tout. J’ai joué de la guitare moderne et chanté dans les messes « modernes »

 

La suite dans Le Grillon du mois de Juin 2013

 

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